Gaston, comme tous les fils uniques, était déjà un vieil enfant ; il était de la race des songeurs : l’habitude de vivre toujours avec des grandes personnes et surtout l’obligation de jouer seul le forçaient à être méditatif et ingénieux. Un enfant qui a des frères et des sœurs court avec eux dans le jardin, se cache, les cherche ou se bat avec eux ; l’activité des jambes suffit à une troupe de démons pour se divertir ; mais quand on est seul, c’est à l’activité de l’esprit qu’on a recours pour s’amuser ; on appelle les fictions à son aide, l’imagination travaille en petit, mais elle n’en travaille pas moins ardemment ; et il en résulte que les enfants élevés dans la solitude ont plus d’esprit, plus de réflexion que les autres, mais aussi ont moins de fraîcheur et de naïveté.