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Citation de DBR


DBR
15 septembre 2014
Un mercredi après-midi, nous jouions sur la terrasse
tous les trois. C’était le premier jour vraiment chaud
depuis des mois. J’avais les doigts un peu rouillés et je
devais me concentrer pour tenir le tempo. De temps à
autre, je me plantais et Rita me jetait des regards noirs.
Annabelle se marrait de son côté, probablement pour
rétablir l’équilibre. Je relevai la tête. Jeanne-Marie n’avait
pas franchi le seuil de la baie vitrée, elle se tenait immobile,
les bras croisés dans le dos, à un bon mètre à l’intérieur
de la cuisine, mais après tous ces jours de claustration,
c’était un progrès inespéré. Quand je croisai son regard,
elle baissa la tête très vite ; toutefois, j’eus le temps
d’apercevoir l’ombre d’un sourire sur ses lèvres.
Nous l’invitâmes à nous rejoindre.
— Je ne voudrais pas vous déranger... murmura-t-elle.
— Tu ne nous déranges jamais, affirma Annabelle.
J’allai chercher un fauteuil que j’avançai au soleil à son
intention et je retournai prudemment m’asseoir à l’abri
derrière mon accordéon. J’avais cette grimace idiote collée
sur le visage, du type qui voudrait bien qu’on l’oublie et
je n’en menais pas large. Jeanne-Marie s’assit du bout des
fesses. Elle gardait la tête baissée sur ses mains posées sur
ses genoux. Les doigts enchevêtrés, comme se livrant un
combat au corps à corps. J’avais l’impression extrêmement
désagréable que nous avions oublié la suite du texte,
victimes d’un trou de mémoire collectif. Un blanc de
quelques secondes dont on ne voit pas la fin, un affreux
tunnel.
— C’est quand vous voulez ! s’exclama, Rita, arborant
un large sourire.
Nous jouâmes une bonne demi-heure. Nous avions
retrouvé une pêche d’enfer. Et notre unique spectateur
peu à peu se laissa emporter par la musique, ses doigts se
relâchèrent, son visage se détendit. À la fin, elle applaudit
debout.
Elle fit la bise à Rita, puis à Annabelle. Et comme je me
tenais un peu à l’écart, elle s’avança vers moi, et à même
pas cinquante centimètres, elle se pencha et j’eus droit à la
mienne aussi. Furtive, mais sincère. Jeanne-Marie, une fille
un peu timide, mais très sympathique finalement. Très
jolie maintenant que je la regardais dans les yeux, maintenant
qu’elle se dressait, la tête haute dans la lumière.
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