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Citation de Lulu2Mars


Compte tenu de ces circonstances, j'eus littéralement le souffle coupé lorsque, le matin de notre second jour de voyage, j'ouvris la porte de la cuisine en quête d'eau chaude. (...)
Une grosse marmite mijotait sur le dessus du fourneau, dégageant un parfum agréable. Au milieu de toute cette splendeur immaculée se tenait le cuisinier, m'inspectant d'un regard torve.

– Dehors ! tonna-t-il.

– Bonjour ! répondis-je le plus cordialement du monde. Je m'appelle Claire Fraser.

– Dehors ! répéta-t-il sur le même ton.

– Je suis Mme Fraser, la femme du subrécargue. Je serai également médecin du bord pendant la traversée. Je viens chercher vingt litres d'eau bouillante pour nettoyer les latrines, si cela ne vous dérange pas trop.

Ses petits yeux bleus se rapetissèrent encore.
– Et moi, déclara-t-il, je suis Aloysius O'Shaughnessy Murphy, cuisinier du bord. Je vous demanderai d'ôter vos pieds sales de sur mon plancher que je viens de briquer. Je ne veux pas de femmes dans ma cuisine.
Il portait un chiffon noué en turban sur sa tête. Il était un peu plus petit que moi, mais compensait par un tour de taille qui devait bien faire un mètre de plus que le mien, avec des épaules de sumo et un crâne fuselé en obus posé de manière incongrue sur un cou de taureau. Une jambe en bois complétait le tableau.

Je reculai d'un pas, sans rien perdre de ma dignité, et m'adressai à lui depuis la relative sécurité du couloir.

– Dans ce cas, dis-je d'une voix mielleuse, pourriez-vous demander à l'un des matelots de me monter l'eau bouillante ?

– Peut-être, convint-il, ou peut-être pas. Là-dessus, il me tourna le dos et entreprit de découper un gigot d'agneau, armé d'un fendoir et d'une masse. Je restai un moment dans le couloir, ne sachant pas trop comment m'y prendre. Les coups de masse résonnaient sur le comptoir en bois. M. Murphy tendit la main vers ses étagères et saisit un des flacons, saupoudrant généreusement son contenu au-dessus de la viande. Une bonne odeur de sauge sèche se répandit dans la cuisine, suivie du parfum acre d'un oignon fraîchement haché. Manifestement, l'équipage de l’Artémis ne se nourrissait pas uniquement de porc salé et de biscuits secs. Cela expliquait sans doute la silhouette en forme de poire du capitaine Raines. J'avançai la tête dans la cuisine, prenant soin de garder les pieds dans le couloir.

– De la cardamome, proposai-je fermement. De la noix muscade, entière. Séchée cette année. Des extraits d'anis frais. Des racines de gingembre, deux grosses, sans taches.

Je marquai une pause. M. Murphy s'était arrêté de marteler sa cuisse d'agneau et attendait, sa masse en suspens.

– Et... ajoutai-je, une demi-douzaine de cosses de vanille entières. De Ceylan.

Il se tourna lentement vers moi, essuyant ses mains sur son tablier.

– Du safran ? demanda-t-il prudemment.

– Quinze grammes, répondis-je prestement.

Il inspira profondément, une lueur de concupiscence brillant au fond de ses petits yeux bleus.

– Il y a un paillasson à côté de vous dans le couloir, annonça-t-il. Essuyez soigneusement vos semelles avant d'entrer.
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