Tout d’abord un grand merci à Babélio et aux Editions Erickbonnier pour ce roman historique gagné lors de la MC de la rentrée. J’ai eu bien de la peine à arriver au bout de ce pavé, non par manque d’intérêt mais à cause de la police trop petite à mon goût. La version numérique n’existant malheureusement pas, j’ai une quinzaine de jours à le lire.
C’est un livre très original et intéressant, loin des sentiers battus. Dans les années 1490, David, un adolescent juif fuit l’Espagne et les horreurs de l’inquisition après la mort d’une partie de sa famille. Son père a été blessé dans la fuite et il mourra durant la traversée sur une barque de pêche. Ainsi, David débarque tout seul au Maroc où il est très bien accueilli par les indigènes. Une communauté de marranes en fuite lui propose de s’installer dans leur village, mais il désire surtout retrouver sa tante Myriam et sa cousine Léa. Ce qu’il fera après quelques aventures pour son plus grand malheur, car il tombera amoureux de Léa, promise à un autre homme. Tous deux travaillent dans le textile et lors d’un voyage, ils se font attaquer par des brigands, David s’en tire sans dommage alors que Bouzik est blessé. Toujours amoureux de Léa, il décide de le laisser mourir dans le désert, mais le beau-père de Léa veut que le tradition soit respectée et qu’elle épouse le jeune frère de son mari. Ils s’enfuiront de Fez, mais désormais David est maudit et le bonheur lui est interdit, tout comme l’amour. Il apprend par son ami Yossef, un sage, que Dieu va le punir et qu’il va se réincarner de nombreuses fois pour expier ce commandement, Tu ne tueras pas, qu’il a bafoué. Après la mort de Léa, il se consacre au secours des lépreux, mais rien n’y fait.
Il connaîtra ainsi dix vies, s’incarnant le plus souvent en homme juif, mais aussi parfois en femme, en Noir, animiste, chrétien ou musulman. Chaque fois il retrouvera la mémoire de ses vies précédentes et chaque fois violera un autre commandement, prolongeant la malédiction, mais surtout parcourant l’Afrique, principalement le Maghreb, mais aussi l’Espagne, le sud de la France ou l’Afrique noire entre 1490 et la première guerre mondiale. Le judaïsme est au centre du roman, David y revient toujours, même s’il s’incarne dans une autre religion, ou en tout cas il a des liens avec la communauté juive de son époque. Je me suis parfois perdue en route et toutes ses vies ne sont pas aussi intéressantes, mais la plupart le sont et nous permettent surtout de parcourir des évènements peu connus sous nos cieux. Les trois dernières vies de David sont les plus intéressantes et s’emmêlent étroitement, même s’il y a toujours un lien entre les personnages et les lieux de ses différentes existences.
Le thème principal du livre est la vie des communautés juives du nord de l’Afrique durant ces quatre siècles, et principalement en Algérie. J’ai aussi découvert l’histoire de ce pays que je ne connaissais pratiquement pas, avec ses conflits ethniques et les occupations successives qui modèleront l’Histoire contemporaine. Les juifs ont longtemps été des étrangers tout juste tolérés par les musulmans, arabes, puis turcs. On les laissait tranquilles pour autant qu’ils acceptent leur statut inférieur issu du coran (et qui concerne d’ailleurs aussi les chrétiens), toutefois les musulmans ne les ont jamais massacrés comme l’a fait l’inquisition espagnole, ils sont beaucoup plus tolérants. En 1870, le décret Crémieux fait des juifs algériens des citoyens français à part entière, au contraire des musulmans, ce qui exacerbera définitivement les tensions entre ces deux communautés, l’affaire Dreyfuss jetant encore de l’huile sur le feu. Les juifs quitteront l’Algérie définitivement en 1962.
L’auteur fait preuve d’une grande imagination pour faire vivre son héros durant si longtemps et lui inventer de multiples aventures, le plus souvent très intéressantes. Le rapport à Dieu est l’autre sujet principal du roman. On parcourt d’autres croyances, animiste, chrétienne et musulmane, mais David, dans toutes ses vies est surtout juif. Il bafoue chacun des commandements au moins une fois et Dieu le punit sans cesse. Il ne se rebelle jamais mais a une vision complètement négative de Dieu, soulignant souvent son injustice et sa cruauté. Ce Dieu ignore le pardon, quoi que David puisse faire, car le plus souvent, c’est un homme juste qui cherche à faire le bien, à quelques exceptions près, en particulier les deux fois où il a été incarné en femme. On a un portrait d’un Dieu légaliste et pinailleur, une sorte de comptable impitoyable.
Je suis en désaccord total avec cette vision, David, comme chacun de nous viole tous les commandements, l’homme étant évidemment pécheur et incapable par lui-même d’accéder au salut. Le péché est quelque chose de plus subtil que le non respect des dix (ou six cent trente six) commandements, c’est notre attitude fondamentale de rébellion contre Dieu liée à notre nature, mais Dieu ne nous persécute pas ni ne s’acharne sur nous, il est un Dieu de pardon et non de colère, mais ça c’est un autre histoire.
En tout cas j’ai eu grand plaisir à découvrir la longue histoire de David et de cette partie du monde que je connais très mal. C’est un livre qui passionnera tous ceux qui s’intéressent aux religions du Livre (comme on les appelle couramment).
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