Dominique Massounie

La redécouverte de l’oeuvre de Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) au XXe siècle suscita une importante littérature, dont les remarquables monographies de Michel Gallet et Daniel Rabreau. Il conviendra désormais d’y ajouter le bel ouvrage largement illustré que Dominique Massounie consacre à l’une des plus insignes créations de cet architecte des Lumières : la saline royale d’Arc-et-Senans en Franche-Comté. Après avoir replacé l’édifice dans la carrière de Ledoux en brossant de celle-ci un panorama particulièrement complet, l’auteur en détaille la genèse. Triomphant jusqu’alors auprès d’une clientèle aristocratique pour laquelle il conduit des projets fastueux (hôtel d’Uzès, hôtel de Montmorency, château de Bénouville), Ledoux devient en 1773 membre de l’Académie royale d’architecture. Il reçoit alors de Louis XV la commande d’une manufacture destinée à la production du sel. Les enjeux sont de taille puisque le cahier des charges prévoit notamment d’y insérer un habitat ouvrier. En plus de réaliser une usine monumentale dont le plan semi-circulaire évoquant la course du soleil est tout à fait innovant, Ledoux imagine de faire sortir de terre une véritable cité idéale. L’usine fut active dès 1778 mais la ville de Chaux – du nom de la forêt voisine – ne vit jamais le jour. Brisé par la Révolution, Ledoux s’employa néanmoins à graver pour la postérité l’ensemble de son œuvre réuni dans son Architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation. Largement reproduites dans l’ouvrage, ces représentations poétiques du monument fascinent par leur beauté et donnent toute la (dé)mesure du projet rêvé par cet architecte visionnaire.



Par Olivier Paze-Mazzi, critique parue dans L'Objet d'Art 531, février 2017