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Critiques de Dorothée Blanck (1)
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Une chambre pour un moment

J’ai des doutes. Sur la catégorisation « roman » en couverture.

Ou alors : c’est la vie de Dorothée Blanck qui est un roman...

Voilà, oui c’est ça, et c’est aussi pourquoi j’ai reconnu si facilement dans ces pages la femme qui me parlait un beau matin de juin dernier sous les arbres au bord du port de l’Arsenal.



La narratrice a cinquante ans.

Une femme se penche sur son passé, ou plus exactement, une femme vit douloureusement une rupture, au jour le jour, et à la lumière de tout ce qu’elle a déjà vécu.

Elle décide d’écrire sa douleur, de se servir de l’encre et des mots pour se battre et survivre.

Pourtant les dernières pages la montrent apaisée et adoucie, dans une relation d’égale à égal enfin dégagée de toute lutte sexiste, avec l’homme dont elle a fait pourtant un portrait peu flatteur.

Dactylographié pendant les longs mois que dure la rupture, ce livre sera le solde de tout compte d'une liaison, délivré à l’amant par la maîtresse.



Histoire tristement banale ? Oui, comme la lâcheté d’un homme riche et puissant qui renvoie une femme libre et amoureuse à son isolement et à son ascèse, froidement, sans la comprendre, sans la soutenir.



Histoire d’un autre temps ? Oui, pour qui croyait comme moi, que droit de cuissage et amours ancillaires n’avaient plus cours depuis deux siècles.



Il faut que je prévienne maintenant celles et ceux à qui j’aurais donné l’envie de découvrir cette femme extraordinaire.

Dorothée Blanck n’est ni intellectuelle, ni érudite. Elle est instinctive, naturelle et courageuse. Son style d’écriture lui ressemble. Il faut accepter que des ellipses ou des coq-à-l’âne rendent la lecture un peu chaotique par moments, comme si il s’agissait de notes personnelles rédigées sous le coup de l’émotion, pour elle-même, sans aucune prétention littéraire.

De la même façon, Dorothée Blanck insère dans son roman des récits de rêves de la narratrice (elle a aussi publié en 2002, un recueil de « Rêves », La Soupente).

Les premières pages – qui expliquent le beau titre du roman – paraîtront à certains ou à certaines, crues, violentes, voire insoutenables. Pour moi, elles sont l’expression littéraire de la marginalité assumée de l’auteur, de sa résilience.



quelques extraits valent mieux qu’un long discours...



“L’AMANT : Je voulais t’embrasser et te voir un moment.

CLEO : Ah ! chaque fois tu dis : je n’ai qu’un moment. Tu es l’amant... du moment.

Dialogues tirés du film d’Agnès Varda : Cléo de 5 à 7.”



“Je n’ai jamais tant aimé que mes amants pauvres, nous n’avions rien à nous envier, la passion faisait feu de tout bois... Au moment présent, je souffre surtout d’humiliation, parce qu’on m’invite à voir tout ce que je n’aurai pas, une fois à la porte, j’oublierai cette vitrine de luxe. Ses maîtresses pourront s’y vautrer ; à la limite, c’est elles qui sont jalouses de mon petit renom d’égérie, d’artiste.”



“Je suis une abeille sans reine, sans ruche et sans mâle. L’hiver arrive et je n’aurai pas de miel.”



“En tapant sur vous j’arrive presque à vous oublier, vous devenez de plus en plus abstrait, comme un tableau qu’on regarde de trop près. Plus j’écrirai, plus vous disparaîtrez.”



“Moi, depuis trente ans je n’ai pas envie de vieillir. Tout ce que je n’ai pas réussi à mes vingt ans, il était exclu que ça vienne plus tard ; depuis je vis chaque jour comme un sursis, alors, la vieillerie j’y suis rentrée déjà, sans avoir eu le temps de l’imaginer... Qui peut me dire à quel moment il faut s’assagir, n’exiger que le confort strict, sans bouleversement ?"



"Culture, qui n’était pas mon souci, devient mon adjuvant. On les voit bien toutes ces dames d’un âge certain dans les expos, au théâtre, dans les queues de cinéma, dans les voyages organisés... Elles sont coquettes, le rouge bien mis et ont beaucoup de copines, comme moi, sauf que j’évite encore de me farder la bouche, des fois qu’on me volerait un baiser... Il est vrai qu’elles ont l’air plus “allantes” qu’une jeunesse pâle et morose ; plus de soucis de bonhomme dignement enterré, d’enfants à torcher, et une santé qui fait fi des mauvaises humeurs d’un patron, concurrencé par d’autres patrons pour séduire la jeunette, le média, les banques au risque de l’ulcère, du diabète ou de la crise cardiaque.”



“Pour étrangler ma déprime, je me suis inscrite dans ces usines à muscles, afin de travailler à la carte quand j’en aurai le courage et l’opportunité ; vous pouvez y passer la journée, le week-end. Dame solitude ne perd pas un pouce de terrain ; l’on y croise pas un regard masculin ; les pauvres se sentent chassés comme du gibier, magnifiques, musclés à la limite du supportable sans tomber dans le grotesque. C’est un boulot d’enfer, passer sur toutes les machines à presser, à étreindre, à repousser, à attirer ; un bon programme demande deux heures. Et les filles ne le cèdent en rien corporellement. Les vestiaires ne trichent pas, pas une cellulite avec qui parler, des guêpes ; un harem de rêve qui se peaufine le derme au hammam ou au sauna, lait corporel comme raffinement, rayon U.V.A des vacances éternelles ; sont-elles des étudiantes, des secrétaires, des danseuses ? elles ont l’allure des trois grâces... Avec mes plis fessiers je regarde tous ces derrières dodus juste ce qu’il faut attachés à une belle cambrure, et nos hommes ne bronchent pas, en ayant autant pour leur compte à offrir à la galerie ; chacun son poids, son vélo, sa barre, je n’ai jamais vu de travail plus solitaire et moins solidaire, sauf un sourire poli pour prendre son tour sur une machine. On parle de communication, voilà un espace de rencontre, à suer ensemble, et il ne se passe rien ; les chairs étalées dans des costumes de show-biz sont froides des miroirs qui les reflètent...”
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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