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Citation de enkidu_


Nous vivons sous l'empire des principes de disjonction, de réduction et d'abstraction dont l'ensemble constitue ce que j'appelle le « paradigme de simplification ». Descartes a formulé ce paradigme maître d'Occident, en disjoignant le sujet pensant (ego cogitans) et la chose étendue (res extensa), c'est-à-dire philosophie et science, et en posant comme principe de vérité les idées « claires et distinctes », c'est-à-dire la pensée disjonctive elle-même. Ce paradigme, qui contrôle l'aventure de la pensée occidentale depuis le xviie siècle, a sans doute permis les très grands progrès de la connaissance scientifique et de la réflexion philosophique ; ses conséquences nocives ultimes ne commencent à se révéler qu'au xxe siècle.

Une telle disjonction, raréfiant les communications entre la connaissance scientifique et la réflexion philosophique, devait finalement priver la science de toute possibilité de se connaître, de se réfléchir, et même de se concevoir scientifiquement elle-même (...) la pensée simplifiante est incapable de concevoir la conjonction de l'un et du multiple (uniras multiplex) (...) ainsi, on arrive à l'intelligence aveugle. L'intelligence aveugle détruit les ensembles et les totalités, elle isole tous ses objets de leur environnement. Elle ne peut concevoir le lien inséparable entre l'observateur et la chose observée. Les réalités clés sont désintégrées. Elles passent entre les fentes qui séparent les disciplines. Les disciplines des sciences humaines n'ont plus besoin de la notion d'homme. Et les pédants aveugles en concluent que l'homme n'a pas d'existence, sinon illusoire. Tandis que les media produisent la basse crétinisation, l'Université produit la haute crétinisation. La méthodologie dominante produit un obscurantisme accru, puisqu'il n'y a plus d'association entre les éléments disjoints du savoir, plus de possibilité de les engrammer et de les réfléchir.
(...)
Malheureusement, la vision mutilante et unidimensionnelle, se paie cruellement dans les phénomènes humains : la mutilation tranche dans les chairs, verse le sang, répand la souffrance. L'incapacité de concevoir la complexité de la réalité anthropo-sociale, dans sa micro-dimension (l'être individuel) et dans sa macro-dimension (l'ensemble planétaire de l'humanité), a conduit à d'infinies tragédies et nous conduit à la tragédie suprême. (pp. 18-21)
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