Au total, la longue période de paix de l'ère Tokugawa fut à bien des égards bénéfique. Mais, en interrompant le mouvement naturel du progrès social et économique, les Tokugawa cristallisèrent un ordre politique et social suranné. Ils pérennisèrent artificiellement des structures et des mentalités féodales qui n'auraient pas survécu dans une société libérée de ses entraves et ouverte sur le monde extérieur. Ils conservèrent sans changement un système politique et social qui, déjà au début du XVIIe siècle, apparaissait éminemment conservateur. Il fallut attendre le milieu du XIXe siècle pour que ce pays, handicapé par l'archaïsme de ses cadres intellectuels et de ses structures sociales, fût mis en présence d'Européens qui, au cours des deux siècles précédents, venaient d'accomplir un prodigieux bond en avant dans le vaste champ de l'expérience humaine.
1182 - [Points Histoire n° H9, p. 118]