JE FERME LES YEUX…
Je ferme les yeux et je vois une ombre, sans visage,
sans bouche
Une ombre, rien de plus
Oui, ce matin-là il s’est passé quelque chose sur le
quai devant l’hôtel
Sous les palais décrépis et jaunes hantés par des
centaines de générations de fantômes
Je crois me souvenir d’un couple de tourterelles
sur le rebord d’une fenêtre
De chiens errants, efflanqués et aux prunelles ardentes
D’un vieillard apparu soudain en haut des marches
qui de la ruelle descendaient jusqu’au fleuve
Ce vieillard aurait-il baragouiné quelque phrase sur
l’arbre en le pointant du doigt ?
Je pense que là où la mémoire faillit, s’arrête abrup-
tement, la fiction prend la relève
Sans même qu’on y fasse attention d’ailleurs
Mais dans mon cas, où s’arrête la mémoire et où
commence la fiction ?
Et si elles étaient aussi étroitement mêlées dans
mon récit que les tresses des jeunes filles de là-bas [?]