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Citation de Woland


[...] ... Ni Sartre ni Aron n'analysèrent ni ne théorisèrent cette renonciation inouïe.

Ils sonnaient sans mot dit le glas du clivage droite-gauche qui annonçait les reniements de chacun des deux camps, la droite abandonnant la Nation et l'Etat, la gauche rejetant le Peuple et la Révolution. A gauche, certains osèrent reprocher au maître sa trahison ; Bernard Kouchner, qui était sur la même ligne humanitariste, fut éjecté de Médecins Sans Frontières, qu'il avait pourtant fondé en 1971. Une partie de la gauche ne voulait pas - pas encore - renoncer à la révolution pour les droits de l'homme. Elle avait reçu sèchement le grand Soljenitsyne qui osait lui mettre sous le nez la cruauté effroyable de l'espérance communiste. Elle avait brocardé les "nouveaux philosophes" qui avaient scandé le même message sur les plateaux télévisés. Elle ne voulait pas encore abdiquer ; mais son temps était compté. L'apostasie de Sartre consacrait sa défaite et sa mort imminente. La droite, elle, amorçait son virage libéral, européen et atlantiste, et découvrirait bientôt, de manière pragmatique, que cette idéologie droit-de-l'hommiste servirait de ferment au retour de la "Grande Nation" dans la famille occidentale et otanienne, comme le catholicisme avait conduit la France de Louis XV au "grand renversement d'alliance" avec l'Autriche. Mais c'est la gauche qui, comme d'habitude, lui ouvrirait le chemin de la transgression. Il reviendrait en effet à Laurent Fabius, Premier ministre, d'amorcer ce changement radical de paradigme, d'instiller le poison droit-de-l'hommiste dans la Realpolitik française qui, de Richelieu à de Gaulle, ne connaissait que les Etats et ignorait la nature des régimes, jusqu'à s'aboucher avec Staline ou Ceaucescu, ou aux dictateurs arabes. En 1985, c'est Fabius qui mettrait en place le boycott de l'Afrique du Sud en raison du régime de l'apartheid, et oserait même s'offusquer de la visite du général polonais Jaruzelski, pourtant reçu par le président Mitterrand.

Sartre et Aron avaient noyé dans les bons sentiments la "moraline" chère à Nietzsche et le droit-de-l'hommisme émotionnel et médiatique, une vie intellectuelle consacrée à l'Histoire et à la Realpolitik. Ces clercs incontestés trahissaient sans vergogne leurs exigences, leurs idéaux ; ils trompaient Gutemberg avec Mac Luhan.

Quelque mois encore, et une foule innombrable et majestueuse enterrerait son grand homme sans comprendre que Sartre était déjà mort sous ses yeux, ce 26 juin 1979, et qu'avec lui, disparaissait la grande figure de l'intellectuel français, né deux siècles plus tôt avec Voltaire et Rousseau. ... [...]
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