Ernst Jünger

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Le rapport de l’homme à l’ivresse est l’un des plus importants qui soient, et il est normal que l’éducation et les lois s’en préoccupent jusque dans les détails. Nous rencontrons en cela une palette multicolore, qui s’étend de l’interdiction absolue, en passant par la restriction, jusqu’à la tolérance, voire même la faveur manifestée aux plaisirs de la bouteille. Le tableau devient plus troublant encore par la multiplicité des raisons invoquées. L’abstinence du protestantisme tardif, en Amérique et dans les États scandinaves, est autre que celle prescrite dans la religion islamique. Mahomet lui-même est un modèle de ces âmes qui, sans avoir recours aux moyens artificiels, sont ouvertes aux quatre vents de l’Esprit.

Il peut se passer de vin tout aussi bien que saint Antoine. Les derviches accèdent à l’extase par le pur mouvement. Et, de fait, la danse est un moyen de long temps éprouvé pour sortir de soi-même. L’abstinence qu’exigent l’Armée du Salut et l’Islam vise au même but, mais d’un côté, elle est fille de la pauvreté, et de l’autre, elle naît du trop-plein. Hebbel l’a fort bien conçu dans son poème L’Odalisque.