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Citation de OlivierMaldent


Je vis que papa avait recopié le poème à la perfection, sans rien ajouter ou enlever, et cette fidélité à toute épreuve m'attrista. Je l'imaginai le reproduisant mot à mot, s'efforçant de ne pas se tromper, avec la même appréhension que lorsqu'il réceptionnait au magasin les meubles qu'on lui livrait de la capitale ou de la province, veillant à ce qu'ils ne heurtent pas un mur ou un autre meuble. Telle avait été sa vie, veiller sur les objets pour qu'ils passent de main en main, sans s'y attacher et sans interférer. À une occasion, il m'avait raconté avec un certain orgueil qu'il était le seul de ses amis de jeunesse à boire avec modération, il les ramenait donc chez eux les nuits de fête, le plus souvent ivres. Je lui demandai si ce rôle ne le dérangeait pas, soutien et surveillant à la fois, et il me répondit que non, car, étant donné qu'il était le seul à rester sobre, tous lui avouaient leurs péchés et leurs faiblesses, y compris les parents de ses amis, qui s'en ouvraient auprès de lui quand il déposait leurs enfants sains et saufs chez eux. Je ne fus pas convaincu par cet argument et il dut le remarquer, car je vis son visage devenir gris, comme si soudain, après tant d'années, il comprenait que ses amis l'avaient utilisé ou, pire encore, qu'il avait endossé ce rôle de soutien par lâcheté, évitant aux autres de chuter, mais au prix de ne jamais avoir vécu lui-même une chute.
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