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Citation de otarie76


Coupé de la ville par une étendue de jardins, le palais se dresse à l'extrémité de la mer où quatre tours de guet rectangulaires s'animent jour et nuit de veilleurs qui scrutent les lointains. Dans les couloirs et les enfilades de pièces emplies de trophées et de meubles, un remue-ménage fait du bruit de pas des gardes, des conciliabules, qui se tiennent dans les encoignures des portes donnent l'impression paradoxale d'une vie journalière tout à la fois d'affolement et de sérénité. L'atmosphère de liesse où pendant quatre jours et quatre nuits furent célébrées les noces du roi Marc avec Iseut laisse les marques d'une sorte de ralentissement, d'un essoufflement après les heures étourdissantes. Iseut est seule dans la chambre, elle laisse errer son regard sur les arcades et les galeries ; le trouble dominant d'être dans une retraite hostile d'appartenir à une surveillance constante de ses moindres déplacements inscrit la tristesse sur son visage ; malgré la tendresse et la sollicitude dont chacun use à son égard, elle perçoit chez certains une réserve jalouse qu'elle ne peut définir : il lui semble tout à coup que sa vie ne lui appartient plus, que jamais elle ne quitta l'Irlande pour devenir reine, l'étrange pesanteur qui l'engourdit et la rive à l'image obsédante qui reflue dans tout son être lui fait revivre dans le trouble et la paix ses rencontres avec Tristan. Elle s'abandonne aux mouvements qui parfois l'éveillent : les paumes sur sa peau, les étreintes silencieuses qui la laissent éperdue : la précision des images lui fait éprouver le sentiment d'une présence : elle se retourne et le vide de la chambre afflue en profondeur dans ses yeux tel un voile noir autour de sa robe, de nouveau elle reste en attente de la nuit, avec la peur et le tourment de savoir si Brangien, par quelques subterfuges pourra éloigner le roi et permettre à Tristan d'approcher ; elle marche lentement vers les fenêtres, ses yeux s'attardent sur une enceinte de murs carrés et bas où un groupe de soldats en armes relève la garde ; une bande pâle et transparente borde l'horizon de mer, rejoint la surface déserte des terres dans une lumière diminuée. Iseut détourne son regard, et les signes annonciateurs de la nuit la parcourent de frissons et l'éloignent des vitres. Tristan aime ce silence menacé de l'obscurité, les replis d'ombres suspendus qui stagnent dans le jardin et montrent les lointains ensevelis ; cette tranquillité de l'air le laisse déconcerté et incertain, le regard plongé dans les ténèbres, attentif aux moindres bruits ; une fraîcheur s'élève des eaux calmes du bassin, et penché sur le bord, il lève des reflets d'arbres et de nuages, son visage et son torse prisonniers de la transparence sont une image glauque. Iseut avance dans la nuit et le corps..."
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