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Critiques de Fatna El Bouih (2)
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Une femme nommée Rachid

Quelle dignité dans cette écriture ! Livre poignant. Une jeune étudiante marocaine est arrêtée en 1977, incarcérée sans jugement et torturée pendant sept mois, ses tortionnaires ayant poussé le raffinement jusqu'à lui changer son prénom, Fatna est devenue « Rachid n°45 ». Elle sera par la suite condamnée à cinq ans de prison pour conspiration contre la sûreté de l'État, appartenance à une organisation clandestine illégale, diffusion de publications interdites.. Elle sera libérée à l'âge de 27 ans. Un témoignage sur les années de plomb au Maroc.



Tout commence par une arrestation arbitraire, la peur et la torture. La privation de la vue, du sommeil, de la notion de temps et une pluie de mauvais traitements en tout genre : l'avion, qui « au lieu de t'élever au ciel t'abaisse plus bas que terre » et la falaqa.



Fatna El Bouih transcrit, sous une plume poétique, ses épreuves et celles d'autres prisonnières politiques d'une manière presque distante de sa souffrance. Cependant, tout est dit, su, compris. Comment a-t-elle eu cette force de résister ? Consciente de tout ? Une force d'esprit incroyable.



Elle décrit comment, privée de la vue, elle « verra » au toucher, à l'odorat ; tous les autres sens à la rescousse du défaillant :

- « Chaque fois, avant de me suspendre, ils me bandent les yeux pour m'empêcher de les reconnaître. Peine perdue, j'ai appris à les reconnaître à leur odeur, à la forme de leurs souliers, aux marques de doigts que me laissent les coups, quand je tâte avec la main je les sens et j'enregistre l'outrage »

- « Malgré la surveillance étroite et permanente, je réussis à jeter des ponts entre moi et mes camarades. Nous faisons connaissance en silence, dans le noir, sous l'œil aux aguets des gardes. Prudents et agiles, nos doigts écrivent sur les côtes des contes merveilleux, des récits et des blagues. Doigts devenus plumes, flancs devenus pages. Dans ces instants dérobés, la vie se réduit à des gestes et des signes que nous sommes seules à créer et comprendre. »



Après l'arrestation arbitraire, le procès grand-guignolesque. Elle n'interjettera pas appel, consciente de la partialité du système. Arrivée dans cette autre prison, mélangée aux prisonnières de droit commun, elle découvrira de nouvelles horreurs. Tout en gardant son esprit combattif, afin d'obtenir quelques avancées dans leur détention, avec d'autres, elles mèneront une grève de la faim : « à la fois lutte et immobilité... »



Sa description de son rapport au temps lors de cette grève de la faim est émouvante : « Une épée tranchante : tel apparaît le temps dans cette expérience. On le voudrait court, compréhensif, on lui crie au secours mais il est sans pitié, il s'allonge, s'étire, se vautre. Tempête sous le crâne. »



Je retiendrai notamment deux épisodes de la vie en prison :



Une naissance, celle de la petite Ilham : elle restera emprisonnée ses trois premières années jusqu'à ce qu'un membre de sa famille puisse venir la chercher.. « Son cri était un silence... son silence était le cri étouffé des âmes prisonnières. Il dévoilait notre impuissance. »

« Y a-t-il plus triste que d'écrire avec des larmes les premières pages de son histoire... »



Et l'histoire de cette femme qui va bientôt sortir de prison après 17 années d'enfermement : « Elle appareille à l'automne d'une vie sans avoir connu son printemps »
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Une femme nommée Rachid

Ce récit est le témoignage de l'incarcération, pour motifs politiques, de Fatna El Bouih, jeune étudiante marocaine militante d'une organisation clandestine de défense des droits humains, entre 1977 et 1982. D'abord emprisonnée, interrogée et torturée dans le secret à Derb Moulay Cherif, puis incarcérée pendant trois ans en attente d'un procès, durant lesquels elle entame une grève de la faim avec d'autres codétenu.e.s qui réclament la reconnaissance de leur statut de prisonniers politiques, elle écope d'une condamnation à cinq ans de réclusion pour « conspiration contre la sûreté de l'État ».

Poursuivant ses études en prison sous la tutelle de Fatema Mernissi, elle intégrera l'enseignement secondaire dès sa libération, continuera son engagement militant dans plusieurs organisations de la société civile et notamment l'Observatoire Marocain des Prisons, et renouera « de l'extérieur l'expérience carcérale » aux côtés de femmes détenues en animant des ateliers de lecture et d'écriture.

Ce texte, rédigé d'abord en langue arabe et sans doute auto-traduit, est touchant pour son style fragmentaire et poétique. L'autrice n'ambitionne pas à dénoncer exhaustivement les conditions de sa détention, ni l'arbitraire de son jugement, ni même son quotidien notamment concernant ses rapports avec ses codétenues politiques au milieu des prisonnières de droit commun – qui a très probablement varié dans les quatre lieux d'emprisonnement qui constituent la matière de chacun des quatre premiers chapitres. En revanche, une attention particulière est consacrée à la spécificité de la condition carcérale féminine, y compris relativement aux gardiennes et à la présence d'enfants nés et/ou grandissant en prison. Ainsi, on ne peut être indifférent à l'attachement de l'autrice à la petite Ilham, qui passera ses quatre premières années de vie auprès de sa mère détenue, également choyée par d'autres prisonnières.
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