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Critiques de Franck Favier (9)
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Bernadotte - Un maréchal d'Empire sur le trône d..

Quelle destinée que celle de Jean-Baptiste Bernadotte !



Soldat du roi, général de la Révolution, maréchal de France, prince héritier suédois puis roi de Suède et de Norvège !

Quel parcours !



Il est clair que la légende napoléonienne ne lui donne pas un beau rôle dans l'histoire de l'Empire: jaloux de Bonaparte, pusillanime, opposant au régime, traître ? Cette biographie corrige largement cette image en nous offrant non seulement la vue des biographes multiples qui se sont penchés sur le cas de Jean-Baptiste Bernadotte mais aussi le résultat des derniers éléments de recherche historique en cours tant à l'étranger qu'en France, à l'Université de Toulouse notamment.



J'ai particulièrement apprécié les chapitres consacrés au versant suédois qui éclairent largement le comportement de Bernadotte quant il est Prince Héritier de 1810 à 1818 puis Roi de Suède. Les chapitres consacrés à son règne tant en Suède qu'en Norvège sont particulièrement intéressants. Enfin, l'ouvrage se termine par une analyse des ouvrages qui ont été consacrées à Bernadotte de son vivant jusqu'à nos jours. Une approche historiographique bien intéressante !



Bref, une belle biographie sérieuse et bien complète complétée de cartes, d'un cahier d'illustration N/B et couleurs et d'une bonne bibliographie. Une belle publication des éditions Ellipses !
Lien : http://www.bir-hacheim.com/b..
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Berthier

De toutes mes lectures sur le Ier Empire et sur Napoléon, outre tous les destins et personnages qui prennent part à l’épopée, une silhouette apparaît toujours, à la fois fugitive mais importante, discrète mais imposante, c’est celle de Louis-Alexandre Berthier. La biographie de Franck Favier, parue en avril 2015 aux éditions Perrin, cherche à donner un nouveau coup de projecteur sur celui qui est considéré comme l’ombre de Napoléon (pour reprendre le sous-titre de la biographie). Et l’historien, ancien élève de Jean Tulard – rien que ça ! -, choisit de raconter le futur maréchal et d’établir un portrait au plus juste de la réalité.



Car la famille Berthier est une famille ambitieuse, d’origine modeste (Franck Favier, dans un premier chapitre, retrace la généalogie de la famille, ne manquant pas de signaler, par exemple, que l’arrière grand-père de Louis-Alexandre était laboureur [page 16]) et qui parviendra à approcher le roi Louis XVI et d’évoluer dans sa sphère au point où Louis-Alexandre sera envoyé en mission aux Etats-Unis, sous les ordres de Monsieur de Rochambeau, pour aider les insurgés américains à combattre les Anglais lors de la guerre d’Indépendance. Il côtoie alors Washington, John Adams et d’autres pères fondateurs de la nation américaine et goûte aux prémices d’une liberté qu’il ne cessera de défendre.



La suite de la critique sur mon blog :
Lien : https://unepauselitteraire.w..
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Ney

Une nouvelle biographie pour ce personnage de premier plan de l'épopée Napoléonienne. Ni trop longue, ni trop courte, elle se lit avec plaisir, même, - et surtout- lorsque l'on connait déjà la vie du maréchal dans ses grandes lignes. Le style de l'auteur, qui reste lucide et mesuré vis à vis de son sujet tout au long du récit, est plaisant, et me donne envie de me procurer ses autres ouvrages, notamment la biographie de Marmont.
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Bernadotte - Un maréchal d'Empire sur le trône d..

Franck Favier est agrégé, docteur en histoire, et professeur en classes préparatoires. Il a écrit une très intéressante biographie consacrée à Bernadotte, sous-titrée « Un maréchal d'empire sur le trône de Suède ». Celle-ci est préfacée par Jean Tulard, éminent historien et spécialiste de Napoléon.



Dès les premières lignes, nous lisons une analyse particulièrement intéressante : « Le Mémorial de Sainte-Hélène a distribué une fois pour toutes les bons et les mauvais rôles dans l’épopée napoléonienne. Les pages datées du 7 août 1816 ont rangé Bernadotte parmi les traîtres, nombreux et au demeurant de qualité, à commencer par Talleyrand et Fouché ». D’une manière générale, Napoléon avait-il tort ou raison au sujet de cette fameuse traîtrise de Bernadotte ? L’auteur rappelle avec intérêt qu’ « en France, les contemporains et les historiens furent le plus souvent sévères avec le maréchal. Pour eux, il est l’homme qui a trahi sa patrie par ambition, a porté les armes contre elle et a provoqué sa chute ».



Pour rendre justice à l’Histoire, Favier précise également le point suivant : « En Suède, sa patrie d’adoption, le portrait fut plus flatteur, qui fit du roi Charles-Jean le fondateur d’une période de stabilité et de paix pour le royaume. En Norvège, sa patrie d’annexion, les avis furent plus partagés, oscillant entre admiration pour la pacification et reproches sur le conservatisme royal ». A l’aune de ces citations, tout le monde reconnaîtra que l’homme divise, mais surtout qu’il ne laisse pas indifférent. Disons aussi, pour être le plus objectif possible, qu’on ne devient pas général, ambassadeur, ministre de la Guerre, maréchal d’Empire et élu au trône de Suède sans posséder de véritables qualités humaines et intellectuelles…



Favier explique judicieusement qu’on « ne peut évoquer Bernadotte sans parler de Napoléon. Deux hommes, deux ambitions ; deux hommes que tout oppose : leurs origines, leurs formations, puis le refus de l’un de se laisser embrigader sous les ordres de l’autre ; une femme, Désirée, pour les lier, protégeant Bernadotte de sanctions normalement prévisibles ». Il ajoute aussi que « ces deux caractères, ces deux séducteurs, entameront une relation passion-haine qui ne trouvera son épilogue que dans la rupture, résultat inévitable de leurs maladresses mutuelles et de leurs affrontements ». Bernadotte répugne à servir Napoléon et déplore l’évolution monarchique du régime. Napoléon, lui, n’entend pas avoir d’opposants politiques, ni même de grands officiers servant avec réserve ou exprimant publiquement des critiques à son endroit. Leur déchirure était en quelque sorte inévitable, sans parler des erreurs psychologiques commises par l’un et l’autre, que Favier analyse de manière pertinente. Elles éclaircissent les incompréhensions, les rancœurs et ce rendez-vous manqué entre deux individus à l’esprit supérieur.



Ainsi, pendant leur existence, Napoléon et Bernadotte s’affrontent, se méfient, s’observent mais s’estiment rarement à leurs réelles valeurs, car leurs anicroches finissent toujours par reprendre le dessus. Une fois relégué dans son île de l’Atlantique sud, l’empereur déchu estime que « dans son enivrement, Bernadotte sacrifia sa nouvelle patrie et l’ancienne, sa propre gloire, sa véritable puissance, la cause des peuples, le sort du monde ». Chacun sera libre de juger si l’amertume accompagne ou non cette pensée napoléonienne. De son côté, le roi de Suède se défend et « tentera de se justifier, multipliant les publications, les récits, les biographies grâce à un véritable bureau de propagande établi à Stockholm, Londres et Paris. Même après la mort des deux hommes, le combat continua jusqu’à nos jours ».



Pourtant, rien ne prédestine le petit Jean-Baptiste à devenir l’une des têtes couronnées de l’Europe, lui le rejeton d’une famille appartenant à la petite bourgeoisie de robe et établie à Pau depuis plusieurs générations : « les origines de la famille Bernadotte se perdent ainsi dans les traditions béarnaises. Le Béarn, pays fier, a marqué le caractère de Bernadotte. Il a aussi l’éloquence, la jactance, la malice du paysan béarnais mais aussi, le respect de la loi et la prudence ». Tout au long de sa vie, cette prudence sera très souvent confondue ou assimilée à de la passivité…



Cependant, le militaire est véritablement aimé de ses hommes : il sait les comprendre, les écouter, les motiver et les rassurer lors de moments périlleux. Bernadotte n’exprime aucune peur quand il s’agit de monter au feu pour diriger ses bataillons sous la mitraille. Les amitiés nouées pendant la Révolution, au sein de l’armée comme avec des personnels des différents gouvernements révolutionnaires, lui seront dans une large mesure toujours fidèles. Sous le Directoire et le Consulat, l’homme apparaît comme un véritable républicain, mais un républicain modéré que tout le monde ou presque voit d’un bon œil. En effet, pour les royalistes, il n’apparaît pas comme un républicain excessif ou enragé, les libéraux apprécient sa modération et son réel respect des institutions, et les républicains purs et durs voient en lui un homme qui a toujours combattu la royauté. De fait, nous ne sommes guère surpris de voir son nom ressortir presque à chaque fois que des complots se trament. Il semble être une solution de rechange efficace pour les nombreux camps politiques qui se disputent alors le pouvoir.



En dépit de relations réellement compliquées avec Napoléon - mais faisant malgré tout partie de la famille élargie de l’Empereur - Bernadotte est quand même promu maréchal d’Empire en 1804 et nommé prince de Ponte-Corvo en 1806. Quelle ironie nous offre l’histoire pour un homme qui avait déclaré « la guerre au roi et aux tyrans ». Général jacobin connu et réputé, une légende tenace raconte qu’il se serait même fait tatouer sur la poitrine l’inscription « Mort aux rois ! ». Vrai ou fasse, cette anecdote démontre, si besoin, que Bernadotte ne passe nullement pour monarchiste ou royaliste. Pourtant, lors de la crise de succession qui secoue la Suède, les Suédois, comprendre le Riksdag, l’élisent comme prince royal de Suède au grand étonnement de ses contemporains français ou étrangers.



Aussi étonnant que cela puisse paraître, Napoléon, nonobstant le lourd passif entre les deux hommes, ne met pas son veto à la proposition suédoise. Il considère même que c’est un pied de nez à l’Angleterre de voir un Français sur le trône de Suède. Le grand homme espérait sûrement que Bernadotte, français par le sang reçu et par le sang versé, transformerait une fois roi son pays d’adoption en protectorat français… Le choix de Napoléon de ne pas intervenir étonne encore les nombreux commentateurs de l’Histoire, car celui-ci savait que Bernadotte « s’était tenu volontairement à l’écart du coup d’Etat de Brumaire auquel il était hostile, qu’il avait trempé dans la conspiration dite des pots de beurre, étouffée par Fouché, qu’à Iéna son comportement a été douteux, qu’il avait irrité Napoléon à Wagram… » On ne pouvait vraiment pas penser que c’était un homme fort et un soutien sans faille du régime impérial.



Autre paradoxe de l’histoire qui entre dans la vie de Bernadotte : une fois assis sur le trône de Suède, il convient de rappeler que la partie était loin d’être gagnée « car depuis 1815, sa position était remise en cause par la France de la Restauration, pour qui sa présence dans les cours régnantes d’Europe était une souillure. Cette inquiétude ne quitta jamais l’esprit de l’ancien soldat de la révolution, elle se transforma même en obsession tout au long du règne : il voulait non seulement être reconnu mais aussi installer définitivement sa propre dynastie. Lui, l’ancien conspirateur du Consulat, redoutait les complots de l’intérieur ou de l’extérieur ».



En définitive, Napoléon n’a sûrement guère apprécié de le voir appelé au trône de Suède par les Suédois, alors qu’il avait « imposé Joseph en Espagne, Louis en Hollande, Murat à Naples », sans parler de Jérôme devenu roi de Westphalie par la seule volonté impériale. Le parcours de Bernadotte et son évolution dans l’échelle sociale ne sont de fait pas « dépourvus d’ambiguïtés » : l’homme pose question, son parcours encore plus. Tulard écrit que « ce livre offre une vision objective du maréchal devenu monarque. Et qu’à toutes ces questions, le professeur Favier apporte des réponses documentées ». Le bilan de Bernadotte en tant que chef d’Etat se voit également étudié, et dans l’ensemble les historiens le jugent positif et bénéfique pour la Suède.



Favier nous permet de suivre pas à pas « la longue carrière de Bernadotte et son fabuleux destin, qui présentent en soi un intérêt quasi unique, celui d’un homme, simple soldat devenu roi et fondateur d’une dynastie toujours régnante aujourd’hui ». Alors que les descendants des Bourbons ne règnent plus sur la France depuis presque deux cents ans, son héritier en ligne directe Charles XVI Gustave est aujourd’hui roi de Suède. N’est-ce pas la plus belle victoire de Bernadotte sur l’Histoire et les hommes ?





Franck ABED
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Bernadotte - Un maréchal d'Empire sur le trône d..

Remarquable biographie.

Le style est clair et les différents points de vue sue ce personnage complexe sont pris en compte sans partie pris.

Ajoutez des cartes, des arbres généalogiques, de longs et complets extraits de lettres, et le compte est bon.

Je n'ai qu'un regret : c'est justement cette neutralité. L'auteur aurait du s'engager davantage
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Traîtres : Nouvelle histoire de l'infamie

Ce livre est passionnant au moins pour deux raisons. D’abord, il propose des grilles de lecture pour déchiffrer à nouveaux frais bien des épisodes de l’histoire [...]. Ensuite, il démontre, sur le plan de la méthode, l’intérêt qu’il y a à pratiquer une histoire globale.
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Traîtres : Nouvelle histoire de l'infamie

« Traîtres. Nouvelle histoire de l’infamie », ces derniers sont rarement des stratèges, mais plutôt des pauvres types ayant accumulé les erreurs, lâchetés, échecs et humiliations. Leur mythologie en prend un coup.
Lien : https://www.nouvelobs.com/ch..
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Berthier

Beaucoup disent : « Derrière chaque grand homme, il y a une femme ». Très souvent, l’adage se vérifie, mais nous trouvons aussi derrière ces fameux grands hommes des éminences grises ou des hommes de l’ombre. Berthier appartient à la seconde catégorie. Comme le rappelle avec justesse Favier, son nom semble moins connu que ceux de « Davout, Lannes, Murat, Ney… autant de compagnons de la gloire napoléonienne », alors que Berthier fut un acteur de premier plan de l’épopée.



Cependant, nombreux sont ceux qui oublient qu’antérieurement à son entrée au service de Napoléon, « Berthier a existé avant l’Empereur, car il a servi dans les armées de Louis XVI, combattu en Amérique et pendant la révolution, tissé des amitiés avec Lafayette, Noailles ou encore Rochambeau ». Toutefois, ce qui le fait vraiment entrer dans l’Histoire reste ce tandem de choc - original et particulier - qu’il a formé très tôt avec le jeune général de l’armée d’Italie appelé à une carrière extraordinaire.



Berthier a déjà quarante-trois ans quand il rencontre Napoléon. Contrairement à d’autres généraux ou officiers de l’armée d’Italie, Berthier « n’est pas seul, n’est pas sans réseaux. De noblesse récente, son père ayant été anobli en 1763, Berthier est d’abord, comme celui-ci et comme ses oncles maternel, ingénieur-géographe du roi. Il commença sa carrière militaire dans des régiments d’infanterie où il se fit rapidement remarquer par ses aptitudes. » Ayant fréquenté l’ancienne cour au point de « nouer des amitiés fidèles, qui faillirent lui coûter cher pendant la révolution, Napoléon lui reprocha souvent d’être l’homme de Versailles ». N’oublions pas que « Louis XVI le fit chevalier de Saint-Louis en 1788 ». Comme chacun sait, 1789 éclate avec fracas sur la France et l’Europe, et la Révolution prend le chemin d’un soi-disant sens de l’histoire, cher à Hegel et Marx…



Favier écrit : « De fait, pendant dix-huit ans, Berthier fut l’ombre de l’Empereur, ou plutôt le maréchal de l’ombre, suivant Napoléon dans toutes ses campagnes. Il fut son complément logistique, transcrivant fidèlement les ordres, les transmettant à ses collègues maréchaux avec la plus grande célérité. Disponible jour et nuit, il sera la courroie de transmission indispensable de la pensée impériale. »



Il faut sans cesse avoir à l’esprit que les armées envoyées aux quatre coins de l’Europe devaient toujours disposer d’approvisionnements en matériels militaires, habits et nourriture. Il fallait également coordonner chaque compagnie marchant sur l’ennemi, et l’artillerie… le tout en respectant les directives impériales, même si parfois la nature du terrain, les manœuvres des adversaires, les difficultés de ravitaillement et les considérations politiques imposaient une véritable souplesse de dispositif. Tout cela - et bien plus - relevait des services de Berthier.



Favier énonce que leur rencontre « bouleverse la vie de Berthier, en donnant naissance à une collaboration de plus de vingt ans, unique dans l’histoire militaire ». Quelle fut la teneur exacte de leur première conversation ? L’auteur nous dit : « De leur première rencontre, peu de choses nous sont connues. On peut néanmoins supposer qu’entre les deux hommes un accord immédiat se fit sur la façon d’envisager l’art militaire et sur leur volonté de travailler à la victoire de la République. Berthier impressionna certainement Bonaparte par sa prodigieuse mémoire et son pragmatisme lui permettant de répondre rapidement à ses questions ».



Les rôles sont parfaitement répartis et définis : « A Bonaparte le commandement et la gloire, à Berthier l’exécution des ordres de l’ombre. Berthier limita son action militaire au rôle d’un major-général dévoué, d’une grande intelligence, doté d’une immense capacité de travail. Il sera le chef d’état-major modèle. » L’auteur nous entraîne ainsi sur les pas de Berthier. Nous découvrons un homme fidèle et dévoué à l’Empereur. Il apparaît également comme méticuleux, travailleur infatigable, et très amoureux de madame de Visconti qui sera sa maîtresse et une amie précieuse tout au long de sa longue carrière. Napoléon ne parviendra jamais à comprendre cette passion ou cet amour, au point de considérer cette relation comme « vraiment ridicule ».



Berthier jouit de la faveur impériale, car il monte très vite dans l’échelle sociale « cumulant les fonctions et les honneurs, devenant l’un des grands dignitaires du régime et accumulant une fortune foncière considérable que sa famille sut faire prospérer pendant tout le XIXe siècle ». Dans la gestion de ses affaires privées, notamment immobilières et foncières, Berthier sut, avec son sens de la rigueur et de l’administration, augmenter considérablement son patrimoine. Pendant le temps des épreuves, dès la retraite de Russie (et même un peu avant), Berthier semble fatigué, épuisé nerveusement, et manquant de confiance dans l’avenir à cause des vues politiques de l’Empereur. Et pourtant l’homme, qui a de véritables qualités humaines, continue son travail, même s’il sent que le vent de l’histoire commence à tourner…



Malheureusement pour lui, si l’on peut ainsi parler, Berthier ne participera pas à la dernière campagne de 1815 dans les plaines de Belgique. Son décès survint dans des circonstances très particulières, à dix-sept jours seulement du 18 juin 1815. Suicide ? Maladie ? Meurtre ? Favier n’élude aucune piste et analyse avec minutie cet évènement qui relève d’une importance capitale. Effectivement, pour cette dernière campagne qui allait sonner le glas des espérances napoléoniennes, le grand stratège Napoléon ne pourra nullement compter sur cet organisateur hors-pair qui avait déjà fait maintes fois la preuve de ses immenses talents. Sa mort survenue peu avant la bataille de Waterloo affecte Napoléon, qui déclare avec regret et lucidité : « Nul autre n'eût pu le remplacer. » Soult devenu major-général, se montre largement inférieur à la tâche confiée, et beaucoup le désignent comme l’un des responsables de la défaite face aux Anglo-Prussiens.



Comme beaucoup de ses compagnons de route, Berthier sera jugé durement par Napoléon lors de son exil. Favier rapporte : « Ce dernier n’a pas été tendre avec lui, en particulier dans Le Mémorial de Sainte-Hélène, où il le dit faible et sans esprit ». Puis l’auteur note avec clairvoyance : « La rancune s’appuie souvent une sur mauvaise mémoire ou sur de la mauvaise foi ». Nul ne doute que si Berthier avait été tel que décrit par Napoléon, jamais il n’aurait pu être pendant tant d’années le second de celui que Stendhal qualifiait de « successeur de César et Alexandre ». Dans une lettre au Directoire datée du 6 mai 1796, Bonaparte avait écrit : « Berthier : talents, activité, courage, caractère, tout pour lui ».



A la lecture de ce passionnant ouvrage consacré à une figure essentielle de la geste napoléonienne, nous voyons comme l’image d’une fuite en avant, à cause de cet état de guerre quasi-permanent : dans la vie de Berthier, il y a toujours des guerres à préparer, des ordres à envoyer, des officiers à féliciter ou à rabrouer. A la veille d’affronter l’Empire des Tsars, les maréchaux auraient préféré se reposer dans leurs vastes et somptueuses propriétés - acquises au péril de leurs vies - plutôt que de s’enfoncer dans l’immensité russe. Napoléon choisit pour ses hommes, pour lui-même et pour la France une autre voie…



Favier conclut : « Prince de Wagram et de Neuchâtel, Maréchal d’Empire, grand veneur, soldat courageux et brave, intelligent, passionné, Berthier apparaît comme un véritable héros cornélien, illustrant les méandres de l’âme humaine »…



Franck ABED
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Marmont

FRANCK ABED MARMONT



Marmont est-il un maréchal ou un homme « maudit » comme l’indique le sous-titre de cet ouvrage ? Franck Favier tente de répondre à cette épineuse question au moyen de cette biographie passionnante d’un soldat de la Révolution devenu maréchal d’Empire puis major-général de la Garde Royale.







Dès les premières lignes, nous lisons une analyse intéressante : « Dans l’épopée napoléonienne, il fallait, comme dans toute aventure christique, un Judas. Ce fut Marmont, duc de Raguse. Si Marmont partage avec Bernadotte, Murat ou encore Augereau une réputation de traîtrise, justifiée ou non d’ailleurs, l’Histoire, l’opinion publique ont souvent oublié ou leur ont pardonné du fait de leur mort héroïque (Murat), de leur destinée incroyable (Bernadotte), ou tout simplement par manque d’intérêt (Augereau). » En définitive, comme Marmont n’est pas mort fusillé ou qu’il n’a pas ceint une couronne royale, l’opprobre des napoléoniens pouvait se déverser sur lui.







Rappelons que Murat est mort, en 1815, Augereau en 1816, Bernadotte en 1844, mais il se trouvait en Suède depuis 1810. L’auteur précise que « Marmont, lui, a vécu, restant d’ailleurs le dernier survivant des maréchaux du Premier empire en 1852 ». Pour les nostalgiques de l’ère impériale, il était ainsi plus aisé de s’en prendre à Marmont car il vivait, et de surcroît, il habitait en France. La rancune se montrait tenace et loin d’être oubliée : « Marmont resta écrasé par ce qu’on a appelé la défection d’Essonnes et servit de bouc émissaire à l’échec final de l’épopée napoléonienne. » Dans sa pertinente introduction, Favier rappelle « que son titre lui-même servira à signifier la trahison au XIXe siècle, [et donna] un mot ragusade, [et] un verbe raguser ».







Avant d’être considéré comme le traître par excellence, Marmont eut une riche carrière sous la Révolution et l’Empire. L’auteur écrit : « Marmont connut une ascension prodigieuse dans le sillage napoléonien à partir de 1793 : capitaine en 1793 à dix-neuf ans, général de division en 1800 à vingt-six ans, ou encore maréchal d’Empire en 1809 à trente-cinq ans. » Sa vie privée aussi sembla lui donnée entière satisfaction : « Il se maria avec la fille d’un riche banquier suisse, Perrégaux, régent par la suite de la Banque de France. La fortune, l’amour, tout semblait sourire au protégé de Bonaparte. » Favier prend le soin d’ajouter que « son administration dans les Provinces Illyriennes entre 1807 et 1811 laisse encore un souvenir vivace en Croatie, où de nombreuses rues et places pourtant son nom. » Toutefois, l’auteur complète son propos d’une vérité implacable : « Tout s’effondre avec 1814… »







L’homme n’était pourtant pas dénué de mérites certains : « D’un physique agréable, élancé, portant bien l’uniforme, Marmont joignait à ces qualités physiques une intelligence de premier ordre, un esprit brillant et vif, une conversation attrayante. » Ajoutons qu’il montrait un véritable courage face au feu de l’ennemi. Favier nous emmène sur les pas de Marmont, que ce soit en France, en Egypte, en Italie, au cœur de l’Europe, en Espagne… Ce riche parcours nous permet de voir que Marmont mena une carrière militaire plus qu’honorable, et sa gestion des Provinces Illyriennes fut de fait considérée comme positive par les populations locales. Les affaires militaires auxquelles le duc de Raguse participe sont bien décrites par Favier, tout comme les différents enjeux politiques se présentant à lui.







Les nombreuses interrogations, souvent complexes, qui traitent de la défection d’Essonnes sont analysées très clairement par l’auteur. Celui-ci apporte de la clarté sur un sujet difficile voire ténébreux, car les différentes protagonistes - dont Napoléon et Marmont - ont pris grand plaisir à réécrire l’histoire pour se justifier, au risque volontaire ou non d’embrouiller le tout.







Autre point important relevé par Favier, que nous relayons : « Les conditions du ralliement de Marmont à la monarchie vont peser sur la nature même de la première Restauration et, en participant au rejet populaire des Bourbons, vont contribuer indirectement au retour de Napoléon lors des Cents-Jours ».







Après cet événement, Favier nous dit que « Marmont traversa alors la période comme un encombrant personnage que chacun aurait préféré ne pas voir, odieux pour ses anciens camarades, importuns à ses nouveaux amis ». Les premiers n’oublient pas sa traîtrise, les seconds se méfiant d’un traître, qui plus est ancien fidèle de l’Usurpateur. Avant 1814, tout ou presque lui réussissait : « Armée, Amours, Argent, le maréchal possédait tout ce qu’un honnête homme pût souhaiter. Il était aussi, dans l’intimité, un homme simple et bon, aimable, serviable et obligeant avec ses amis. » Toutefois, Ses Mémoires révèlent ses défauts. Et en fin de compte, il ne fut pas souvent heureux : « Vaniteux, il tentait à tout moment de valoriser ses actions. Envieux des avancements des autres généraux lors de leur promotion au maréchalat en 1804, il ne sut pas masquer sa frustration, les reprochant directement à l’Empereur. Jaloux, il ne sut pas être heureux en ménage auprès d’Hortense. Chacun avait à se reprocher des incartades amoureuses ».







Afin de présenter un panorama complet de la situation, laissons la parole à Marmont : « J'ai été placé, en peu d'années, deux fois dans des circonstances qui ne se renouvellent ordinairement qu'après des siècles. J'ai été témoin actif de la chute de deux dynasties. La première fois le sentiment le plus patriotique, le plus désintéressé, m'a entraîné. J'ai sacrifié mes affections et mes intérêts à ce que j'ai cru, à ce qui pouvait et devait être le salut de mon pays. La seconde fois, je n'ai eu qu'une seule et unique chose en vue, l'intérêt de ma réputation militaire ; et je me suis précipité dans un gouffre ouvert dont je connaissais toute la profondeur. Peu de gens ont apprécié le mérite de ma première action. Elle a été au contraire l'occasion de déchaînements, de blâmes et de calomnies qui ont fait le malheur de ma vie. Aujourd'hui, je suis l'objet de la haine populaire, et il est sage à moi de considérer ma carrière politique comme terminée. »







Sur son île de l’Atlantique, Napoléon confie à Las Cases : « La vanité avait perdu Marmont, la postérité flétrira justement sa vie ; pourtant son cœur vaudra mieux que sa mémoire… » Chacun sera libre de se forger son propre avis. Heureusement pour lui, Napoléon ne sut pas que Marmont devint en 1831 l’un des interlocuteurs privilégiés de son fils, le duc de Reichstadt, lui racontant les prodiges napoléoniens et lui en transmettant la mémoire.







Favier nous livre une biographie d’excellente facture, qui aborde la riche et complexe vie de Marmont. Même dans ses nombreuses affaires entrepreneuriales - qui démontrent l’ampleur et la variété des domaines d’intérêt de Marmont - celui-ci ne rencontra que très rarement la réussite : « Malheur, malédiction, la vie de Marmont semble marquée par le destin. Il est ainsi, pour toujours, le maudit de l’épopée napoléonienne… »















Franck ABED
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