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Citation de lanard


J'avais connu à Srah Srang un de ces paysans fiers, libres comme l'oiseau, toujours par monts et par vaux, aimé et respecté - il était réputé pour ses dons de chanteur arak (sa voix arrivait mieux qu'aucune autre à faire entrer les génies du sol dans le corps d'un médium) -, qui s'était un jour distingué par l'une de ces funestes réactions.
Un groupe de cinq hommes, vêtus d'un costume noir et portant le krama autour du cou - seul le plus âgé était armé d'un revolver -, avait fait son apparition et s'était rendu dans la sala contruite à la sortie du village, sur l'ancienne digue du baray oriental, face au temple du Prè Rup qu'on voyait de loin. Ils s'y étaient installés pour quelques heures, indifférents au toit de chaume détérioré par les pluies et défoncé par l'accumulation des gousss du vieux tamarinier qui le surplombait. Personne n'avait encore vu de Khmers rouges, et la nouvelle de leur arrivée s'était vite répandue. Ils offraient des cigarettes aux gens qui passaient devant eux et qu'ils appelaient "camarades". Après ce premier contact, ils étaient revenus quelques jours plus tard et les habitants, inquiets, leur avaient apporté du thé et du bétel, leur proposant même de quoi manger; ce qu'ils avaient refusé. Utitlisant l'entremise d'un marginal du village, un homme mal inséré, aigri et avide de changement, qui avait trouvé avantage à leur parler dès le premier jour, ils firent savoir que tous les chefs de famille étaient tenus de se présenter et d'entendre ce qu'ils avaient à dire. Une vingtaine de personnes, presque seulement des femmes, étaient venues, conduites par le chef du village. Le discours, truffé de néologismes incompréhensibles, avait commencé sur des poncifs idéologiques, pour aboutir à une demande d'aide que chaque famille devait fournir à la Révolution. Le village devait remettre un certain nombre de sacs de riz, avec autant de charrettes et de zébus qu'il en fallait pour le transport. Les attelages seraient rendus. Dans la semaine, et après bien des discussions, le tribut avait été collecté, et le chargement emporté par les Khmers rouges, de nuit, Mais les charrettes avec leurs boeufs restèrent sur place, à l'endroit où, ils avaient été abandonnés, près de Phnom Bok, à trente kilomètres. Les paysans partirent en groupe les récupérer, et notre chanteur retrouvé la sienne cassée. Furieux, il jura qu'on ne l'y reprendrait plus et que le Révolution devrait désormais se passer de lui!
Quinze jours plus tard, un message portant son nom arriva au village. Il se rendit à la convocation et ne revient jamais...
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