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Citation de enkidu_


Le 1er février 1933, dans la déclaration gouvernementale qui accompagne l'annonce de la dissolution du Reichstag, Hitler proclame à l'intention, notamment, du Vatican que le christianisme sera protégé par le nouveau régime, en tant que « base de toute morale ». On peut sans doute voir là un écho de Schopenhauer, tout autant qu'une déformation significative, et encore une hypocrisie flagrante. Le philosophe développe, dans sa brochure sur le Fondement de la morale (1841), l'idée que ce fondement ne découle pas de l'expérience et qu'il est donc de nature métaphysique : c'est la pitié, avatar de la fameuse « volonté »... et elle se retrouve dans la charité chrétienne. On peut donc, sans perdre le fil de la théorie nazie, rendre hommage à Jésus et mimer une génuflexion devant Rome... tout en nourrissant le projet de remiser un jour ces meubles inutiles, vecteurs de la pensée « aryenne » parmi d'autres, plus essentiels et moins ambigus.

Là-dessus, le témoignage de Christa Schröder est éclairant. D'abord par un fait anecdotique : cette jeune personne, qui lisait les philosophes à ses moments perdus, eut un jour la surprise de retrouver mot pour mot, dans une tirade que le Führer était en train de proférer comme étant de son cru, une page de Schopenhauer qu'elle avait lue récemment, et elle eut l'audace de lui en faire la remarque. Il reconnut les faits et expliqua : « Chaque homme ne contribue à l'ensemble des sciences que pour unepart infime » (p. 43-44). Le capitaine Zoller n'a malheureusement pas jugé utile de faire préciser la date de l'anecdote, ni le contenu du passage, et le livre Er war mein Chef, écrit dans les années 80, ne revient pas sur la question. Cependant les paragraphes ci-après, où la secrétaire traite de la philosophie du Führer, pourraient bien traduire à la fois l'influence de Schopenhauer et la liberté que son disciple prenait avec ses conceptions :

« Hitler rejetait tous les concepts philosophiques qui ne s'appuyaient pas sur le matérialisme intégral. Il proclamait que le rôle de l'homme finit avec la mort et se permettait les jeux de mots les plus ordinaires lorsqu'on parlait de la survivance dans un au-delà meilleur. Je me suis souvent demandé par qui, dans ces conditions, il pouvait se sentir appelé à remplir une mission sur terre. De même, je n'ai jamais compris pourquoi il terminait régulièrement ses grands discours par une invocation au Tout-Puissant. Je suis persuadée que s'il agissait ainsi, c'était uniquement pour s'assurer les sympathies de la population chrétienne du Reich. Là encore, il jouait une comédie affreuse. »

Chaque fois que la conversation traitait de la vie spirituelle, il s'élevait en termes cyniques contre le christianisme, dont il combattait les dogmes avec une violence ordurière. Sa conviction se résumait dans cette phrase qu'il a souvent répétée : « Le christianisme a retardé le monde de deux mille ans dans son développement naturel. L'humanité a été scandaleusement exploitée et privée de ses droits les plus absolus. La foi dans un meilleur au-delà a détaché l'homme des réalités terrestres et des devoirs qu'il contracte envers l'humanité dès sa naissance. » (p. 211-212) (chapitre 15)
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