François Langlade

J’avoue. C’est le titre qui m’a attirée. Mais aussi le quatrième de couverture laissant entendre que le narrateur avait mis la main sur un roman exceptionnel et inédit, remarquable à la fois pour ses descriptions, son non-conformisme, sa façon d’exprimer sans pudeur et sans retenue ses sentiments à une époque où on ne le faisait pas, sa sensualité, autant de qualités qui ne pouvaient faire de celui qui cherchait à en savoir plus sur cet auteur méconnu qu’un imposteur.



Tout ça m’avait laissé croire qu’il serait question du manuscrit lui-même. De l’enquête qu’allait mener le narrateur. Or, ceci ne constitue que les cinq pages d’introduction et les trois pages de la postface. Le reste est le manuscrit lui-même, soit un roman qui s’insère entre des explications limitées.



Je n’ai rien contre le fait que l’auteur ait voulu raconter à sa manière une grande passion amoureuse à l’époque victorienne avec tout ce que cela comporte de scandales et de revirements de situations. Il le fait très bien et avec style, créant une illusion certaine. Le lecteur croit un moment lire un très bonne traduction d’un roman britannique de l’époque qui aurait échappé à la censure.



Mais il n’en demeure pas moins que j’ai eu l’impression d’avoir été flouée. C’est l’histoire du manuscrit qu’il m’aurait plu de lire, pas le manuscrit lui-même, malgré ses qualités.

A Moscou, en 1947, le jeune Alexander Vielski, juif d'origine géorgienne, se retrouve assistant du terrible docteur Maïronovski qui officie dans les sous-sol de la Loubianka, prison dans laquelle les services secrets soviétiques torturent puis éliminent (physiquement ou en les envoyant au Goulag) tous les opposants ou soit-disant opposants au régime et tout particulièrement les Juifs. Très vite Alexander est écoeuré par les méthodes de Maïronovski, véritable médecin de la mort qui n'a rien à envier aux Mengelé et autres tortionnaires nazis. En effet, sur ordre de Staline et Béria, il expérimente sur de pauvres malheureux transformés en cobayes toutes sortes de poisons ou produits toxiques ou hallucinogènes. Il espère découvrir une substance ne laissant pas de traces et laissant croire à une mort naturelle par crise cardiaque. Le diplomate suédois Wallenberg, Juste parmi les nations pour avoir sauvé la vie de milliers de juifs à Budapest pendant la seconde guerre mondiale sera la première victime d'Alexander. L'évèque uniate Teodor Romza, battu à mort, sera achevé de semblable manière. Aidé d'Anna, une autre assistante dont il est tombé amoureux, Alexander va essayer d'abord d'éviter la crémation d'un supplicié puis carrément tenter de faire évader un condamné. Tous deux risquent gros car le MVD (ancêtre du KGB) veille...

Un livre touchant, bouleversant et qui prend aux tripes. Excellemment écrit, on peut difficilement le lâcher avant la fin tant on s'attache aux personnages et tant on craint pour eux. Le discours est d'autant plus fort que cette histoire repose sur des faits historiques véridiques. Maïronovski, Wallenberg et Romza ont réellement existé. Ce que raconte Langlade de la mort de Wallenberg est hallucinant d'horreur, mais parfaitement probable. Les communistes n'ont jamais voulu reconnaître leur responsabilité dans son assassinat tout comme pour l'affaire de Katyn. Ils ont même essayé de faire porter le chapeau à d'autres. Romza, l'évèque martyr, a été béatifié par Jean Paul II. Un magnifique roman sous forme de livre-témoignage historique qui donne à réfléchir et change de la production habituelle. On n'est pas loin des grands écrivains d'investigation américains. A lire absolument par ceux qui veulent explorer ce sombre pan bien caché de l'Histoire du communisme et de l'antisémitisme.
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