Au Moyen-Âge, être excommunié - c'est-à-dire retranché de la communauté chrétienne - ou voir jeter l'interdit sur son royaume, était une dure sanction, ce pouvait être même parfois, un drame, mais beaucoup des personnes ciblées s'accommodaient tant bien que mal de ces condamnations, qui n'étaient assurément pas ressenties dans le royaume de France comme elles pouvaient l'être dans le Reich allemand médiéval.
Au total, pas moins de seize de nos souverains connurent, pour une raison ou pour une autre, la réprobation de l'Église romaine, du Xème au XVIIème siècle, et, parmi eux, Hugues Capet, Philippe 1er, Louis VII, Philippe II dit Auguste, Louis IX - oui notre Saint Louis, qui ne craignit pas d'affronter la Papauté en plusieurs occasions, notamment en prenant la défense de Frédéric II de Hohenstaufen, l'Empereur excommunié, et enfin Philippe IV le Bel qui n'entendait pas perdre la face devant un Boniface VIII, orgueilleux comme aucun pape avant lui. On se trompe fort si l'on croit que l'Église et l'autorité monarchique française formaient un seul et même ensemble ou que la seconde dépendait de la première et que l'une et l'autre se soutenaient en permanence. C'est un cliché dont il faut se défaire, car, dans la réalité ces deux sources de pouvoir étaient continuellement en tension et en lutte plus ou moins ouverte. Ce fut le cas, en France, entre l'autel et le trône, entre Rome et Paris, plus souvent et plus longtemps qu'on ne croit, au moins de l'époque médiévale à 1789. Et il a fallu finalement cette très nette coupure provoquée par la Révolution française pour voir les tenants du pouvoir monarchique se rapprocher de la haute hiérarchie catholique. Jusque-là, les souverains français avaient plutôt cherché à mettre sous leur dépendance sinon directement, du moins implicitement, le clergé de France, que l'on essayait de détacher du pouvoir rival du pontife romain. Tel est le point assez solidement argumenté de François-Marin Fleutot, et l'on peut, grâce à cela, expliquer les condamnations dont nos souverains furent les victimes de la part de la Papauté.Si les rois sont souvent irréprochables en matière de foi, ils ne sont cependant pas des sujets aux ordres du Saint-Siège. Ainsi la laïcité, loin d'être une création de la période révolutionnaire et de l'institution républicaine, serait bien plus le résultat d'une résistance pluriséculaire et continuelle aux prétentions pontificales romaines, qu'une divergence de vues et d'intérêts dans laquelle les membres du plus haut clergé auraient eu leur part. C'est même en défendant les libertés et les prérogatives de l'Église gallicane que le roi a pu faire sentir sa capacité à s'imposer à cette dernière et marquer son indépendance face à Rome. Si le roi ne pouvait intervenir dans la cérémonie de consécration des évêques, il avait capacité, au temporel, à valider ou invalider un choix et gardait l'espoir de pouvoir lui-même les nommer, rencontrant très vite ici l'opposition du pape et des chapitres cathédraux. À côté de ce que l'on appelait alors la querelle des investitures, il y avait plusieurs motifs possibles de brouille : moeurs sexuelles des rois qui pouvaient trahir la foi conjugale et les engagements pris devant les hommes et devant Dieu par un adultère, union consanguine, Ie roi pouvait aussi mécontenter le Saint-Siège s'il plaçait à la tête d'un diocèse une personnalité qui n'était pas bien vue ou bien en cour à Rome, il y avait également les disputes à propos des ressources financières du clergé, les divergences d'ordre politique, les ingérences pontificales dans les affaires inernes du royaume, etc. Les derniers rois capétiens et les premiers rois valoisiens installèrent même la Papauté en Avignon, ville alors théoriquement située en terre d'Empire (germanique). Ils imposèrent la maltôte aux hommes d'église, subordonnèrent la justice ecclésiale à celle du roi, soutinrent un temps un Pape non reconnu tandis que les rois d'Angleterre, ennemis héréditaires, élevaient un Antipape sur le trône De Saint-Pierre. On n'aura garde aussi d'oublier la lutte entre la Couronne de France et le Pape Boniface VIII puis la contrainte imposée à son successeur, Clément V et quasi créature de Philippe le Bel, de faire condamner l'ordre des Templiers. Un peu plus tard, Charles VII viendra, compléter l'ensemble en promulguant la Pragmatique Sanction de Bourges, qui allait hérisser le poil au Souverain Pontife. Trois partis se feront bientôt la lutte : les réformateurs, les pro-papistes et les défenseurs d'une autonomie du clergé. Avec l'irruption du Protestantisme, on verra le parti pro-vaticaniste soutenir à outrance la redoutable famille des Guise, et François 1er, battu à Pavie et privé de ses entrées en Italie, renverser ses alliances et s'entendre avec le sultan turc. On remarquera que Fleutot insiste peut-être un peu trop sur le soutien au concile oecuménique de Constance par opposition au concile de Trente, ce qui est certes encore une preuve, s'il en manquait, que Paris prenait souvent sans crainte le contre-pied de Rome. Mais ce que ne souligne pas assez Fleutot dans l'affaire, c'est que le rapprochement du royaume de France et de la Porte ottomane est avant tout une stratégie de contournement de l'Empire germanique, ce qui est une autre histoire.
François Sarindar, auteur de Charles V, Dauphin, duc et régent (2019).
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Si vous considérez qu'aujourd'hui le paysage politique se recompose et que les frontières s’atténuent comme dans les années trente lisez ce livre.
Vous y découvrirez que les deux votes en faveur de pétain n'ont pas suivis les lignes traditionnelles et qu'un élu n'a pas forcément voté de manière identique à chaque fois. Mieux il n'est pas possible de donner une étiquette en fonction du vote.
Au delà du positionnement en 1940 l'auteur recherche les actes du votant pendant les années qui ont suivis.
Cette lecture permet de se remettre en mémoire que rien n'est jamais acquis et que la démocratie n'est pas à l'abri des coups de vents.
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