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Citation de Partemps


Françoise Asso
Solo
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C’est ainsi qu’avec le temps, j’en suis venu à me tourner sur le côté droit : tant pis pour mon foie, pensai-je, et ce d’autant plus qu’il fallait bien reposer mon cœur, fatigué, comme mon foie, d’ailleurs, sur lequel pourtant je n’avais pas encore pesé, comme quoi, finalement, quelle que soit la position adoptée, on s’use, tant à droite qu’à gauche — et au centre, n’en parlons pas.
Finalement, c’était plutôt bien reparti — enfin, bien… il ne faut pas rêver, mais c’était reparti, c’est toujours ça, et de l’autre côté, donc, ce qui pouvait raisonnablement laisser espérer une amélioration, ou du moins un changement : le dos au mur, les yeux fermés sur la pièce vide — meublée, bien sûr, mais si mal qu’il valait mieux, sur elle, fermer les yeux car les ouvrir eût conduit inévitablement à s’écarter du sujet —, dans le noir, mais un noir traversé de quelques ombres, étonnamment semblables à celles sur lesquelles, de l’autre côté, il valait mieux fermer les yeux, ce qui aurait pu me faire douter que ce fût vraiment bien reparti si j’avais ouvert les yeux, mais je les fermais, donc, rassuré de ne pas les fermer sur une obscurité totale, laquelle vous amène, allez donc savoir pourquoi, à guetter, les yeux grands ouverts, les quelques ombres sur lesquelles, on le sait pourtant, il vaut mieux fermer les yeux, ne serait-ce que pour ne pas se demander si l’on s’est vraiment retourné de l’autre côté, comme ces ombres, n’est-ce pas, étonnamment semblables, pourraient en faire douter, — ainsi placé, posé, reposé, que faire d’autre, me disais-je, que dormir, attendre, encore confiant, presque tranquille, que le sommeil vienne ou vînt enfin ?
Me raconter des histoires était exclu : si j’ajoutais aux mêmes ombres les mêmes histoires, était-ce bien utile d’avoir changé de côté ? et ne me demanderais-je pas si j’avais vraiment changé de côté ? et ne me retournerais-je pas, alors, face au mur sur lequel, hors quelques ombres — mais sur elles, une fois pour toutes, je ferme les yeux —, il n’y a rien à voir, pesant sur mon cœur, déjà fatigué, tellement fatigué…
Et pourtant, j’aurais mieux fait de me raconter des histoires, les mêmes, oui, quelle importance, au risque de me retourner, oui, tant pis pour mon cœur, mon foie, au moins, s’en serait mieux porté — j’aurais mieux fait car, tourné sur le côté droit, à cause peut-être de la pièce vide, si mal meublée que, vraiment, si j’avais le temps, je m’écarterais juste un instant du sujet pour vous en donner une idée, de la pièce vide qui devait m’influencer, quoique sur elle j’eusse fermé les yeux, des idées propres à empêcher de dormir n’importe qui, mais alors vraiment n’importe qui, me venaient, et donc m’empêchaient de dormir, moi qui ne suis pas n’importe qui pourtant, du moins sur ce plan-là, comme quoi, finalement, ce n’était pas si bien reparti.
Quelles idées, disent-ils, vaguement — oh ! très vaguement — agités tout à coup. Mais non, mais non, pas l’idée de la mort… ni celle de la vie… quelle idée ! Du temps, alors, le temps qui passe, par exemple, ou celui qui semble ne pas passer et qui, en douce, inexorablement… Mais non, mais non, quelle idée ! Des idées qui empêchent de dormir, ai-je dit, donc des idées contre ou avec lesquelles on peut faire quelque chose… La mort, la vie, le temps qui passe, qui ne passe pas, qui passe mal, qu’est-ce que vous voulez faire d’autre avec ces grandes idées de la nuit que dormir, ça ira mieux demain matin, on le sait bien, n’est-ce pas : des idées de la nuit, sur lesquelles il vaut mieux fermer les yeux… non, de vraies petites idées, qui pourraient bien vous faire lever en pleine nuit et allumer la lumière pour voir, par exemple, ce que l’on pourrait bien changer dans cette pièce pour qu’elle soit un peu moins mal meublée, et auxquelles on résiste car, vraiment, ce n’est pas le sujet et ça vous en éloigne, du sujet, c’est-à-dire du but, autrement dit de la fin, laquelle de toute façon viendra, car on finit toujours par s’endormir, mais dont on aimerait qu’elle vienne vite, pour pouvoir, enfin, passer à autre chose.
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