AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de LesProsesdumonde


Vous allez certainement me trouver bien changé. Ce que j’éprouve est même si étrange que je vais vous le raconter. Figurez-vous que depuis quelque jours, je ne vis plus que des parcelles de mon existence d’autrefois. Des souvenirs surgissent en moi, des souvenirs de toutes sortes, incessants, lointains et si rapides que je n’ai plus le temps de les saisir. Il me semble que je fais tout éveillé le rêve de mon passé. Et c’est comme si, ce passé, après s’être élevé très haut, très haut, retombait maintenant en pluie sur mon coeur, en une pluie de sons, d’images et de parfums de jadis, en un émiettement d’événements disparus.
Et il m’énerve jusqu’à la douleur, il m’exalte jusqu’à l’affolement, ce bourdonnement des jours finis ; et, sous ce tas de choses mortes, puis reparues, sous ce jaillissement de mélodies anciennes et de visages effacés, qui volent, qui volètent l’un après l’autre, sans se rejoindre, sans se trouver, sans se préciser jamais, je suis comme une de ces pauvres larves que le fourmilion guette au fond de son entonnoir et qui, aveuglées, étourdies sous les décharges de sable que leur lance coup sur coup leur ennemi, glissent, puis dégringolent jusqu’au bas de sa tanière, sa terrible tanière.
Je suis haletant de fatigue et écoeuré d’inaction ; car je ne pense à rien, je ne décide rien, je ne peux rien avec cette hantise au bout de tous mes actes.
Lettre de Maupassant à Hermine Lecombe de Noüy
Commenter  J’apprécie          00









{* *}