Un jour que je me trouvais chez les peintres, à Montparnasse, parmi des étrangers aux visages longs et tristes, des Polonaises aux regards couleur de mer, l'on vint à parler des auteurs de ce temps et à démolir en un tour de main les plus grandes célébrités.
— Que restera-t-il donc ? demandai-je, ébahie devant ce jeu de massacre.
Une femme se leva qui dit, avec autorité :
— Aurel et Victor Hugo.
J'en restai comme deux ronds de flan.
Lucie Delarue-Mardrus est née poète, mais elle est devenue romancière. Dès ses premiers vers, qui parurent à la Revue blanche, elle conquit le public par sa vigueur, sa grâce juvénile, son amour de la vie, de la nature, son lyrisme qui exaltait sous une forme colorée les héros de sa race, la beauté de sa patrie.
Il se peut que Lucie Delarue-Mardrus aille un jour faire des conférences en Amérique. Je lui conseille, à ce moment-là, de souffler à son manager :
— Ne dites pas aux Américains que je suis une femme célèbre en mon pays, mais dites-leur que, de toutes les poétesses, je suis celle qu'on a le plus photographiée !
Cette simple déclaration, qui n'a rien à voir avec le talent, lui assurerait à l'avance des salles combles, car je me suis laissé dire qu'en Amérique, pour frapper la curiosité du public, il faut mettre le signe + devant quelque chose.