Gauthier Plancquaert

Au début du siècle dernier, Paris et la province sont le théâtre de violents attentats anarchistes, que la rumeur attribue à un activiste insaisissable : Etienne Rabotin. A la mort de son père, tué par une bombe terroriste, le commissaire parisien Marcel Martin décide de se rendre dans un petit village savoyard où résidait un nommé Etienne Rabotin officiellement décédé trois ans auparavant dans un incendie en Algérie. L’arrivée du policier coïncide avec le retour au pays d’un jeune anarchiste exilé à Paris suivi de l’assassinat du père d’Etienne Rabotin. Marcel Martin est maintenant certain qu’il est sur la bonne piste mais il lui faudra convaincre les villageois de collaborer. Ignorant des codes sociaux en vigueur dans la campagne savoyarde, il se met rapidement à dos la population et trouve un réel soutien auprès de la fille du défunt qui est amoureuse du jeune instituteur laïc de la commune. L’interrogatoire des villageois permet au policier de découvrir une ruralité insoupçonnée, entre conservatisme affirmé et discrète volonté d’évolution, entre religion omniprésente et diffusion limitée des idées progressistes. Une enquête en milieu hostile qui voit le policier parisien affronter les forces obscurantistes d’une campagne entièrement soumise à l’église.



L’auteur a bien campé son héros : Esprit brillant et excessivement cartésien, Marcel Martin de tire aucune conclusion hâtive et cherche toujours la preuve avant de formuler une hypothèse. Mais l’homme n’est pas le flic irréprochable qu’on croit et sa quête de la vérité (Y a-t-il quelqu’un derrière le nom d’Etienne Rabotin ?) souffre d’un écart magistral que Gauthier Plancquaert dévoile au milieu du roman, redynamisant le récit. On découvre alors un homme qui doute, un fils meurtri par le décès violent de son père et un policier capable des pires manipulations pour parvenir à ses fins. L’ouvrage fourmille de détails sur la vie à la campagne au début du vingtième siècle avec la rudesse des travaux des champs, les rites et coutumes, l’ostracisme à l’égard de l’étranger au village, le refus du modernisme, la méfiance vis-à-vis des idéaux progressistes.



Gauthier Plancquaert a doté chacun des personnages principaux d’une forte densité psychologique qui permet au lecteur de s’identifier et suivre le cheminement intérieur des protagonistes qui confrontent leurs dogmes et croyances (le curé, l’anarchiste, le républicain, le policier, le maire). Et cet affrontement fait tout l’intérêt de ce roman dans lequel l’auteur a favorisé l’introspection un peu au détriment de l’action pure et dure, jusqu’à la confrontation finale qui réserve une solide surprise.