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Citation de Pseudo


Un tableau allégorique du temps résume parfaitement la portée de l'Edit : on y voit Henri IV, vêtu à la romaine, "s'appuyant sur la Religion pour donner la Paix à la France". Si la Paix tient, comme il se doit, un rameau, la Religion, elle, porte un crucifix, cher aux catholiques, et une Bible, chère aux protestants. Si l'idée de tolérance, quatre siècles plus tard, nous paraît aller de soi et, avec elle, cette spécificité toute française qu'est la laïcité, inventée au début du XXème siècle, force est de constater que ce n'était pas du tout le cas en cette extrême fin du XVIème siècle. On estimait alors qu'il ne pouvait y avoir qu'une seule façon de servir Dieu, que tout le reste était hérésie et que les hérétiques devaient être physiquement éliminés, soit par les voies de la justice ordinaire ou extraordinaire, soit par la guerre. C'est dire le génie novateur du Béarnais qui, brisant net une tradition totalement figée, invente une nouvelle approche de la conscience humaine, qui prépare la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. La coexistence pacifique doit se substituer progressivement à l'agressive hégémonie de la religion officielle. Au siècle des Lumières, Voltaire ne s'y trompera pas, qui, écrivant "La Henriade", fera d'Henri IV la pierre angulaire de son combat contre le fanatisme.

En proclamant l'édit de Nantes, Henri IV renvoie en quelque sorte Genève et Rome dos à dos, et annonce, avec trois siècles d'avance, la séparation du politique et du religieux, en un mot la laïcisation de l'Etat : c'est au nom des mêmes principes que la IIIème République dotera la France d'une autre longue et pérenne période de paix. Grâce au roi cessent, ce jour-là, les guerres de religion proprement dites ; grâce à lui, femmes, hommes et enfants peuvent à nouveau vivre en paix, sinon dans la fraternité retrouvée, du moins dans le respect de l'autre. Aucun souverain n'était allé aussi loin jusque-là : aucun autre, de son propre consentement tout au moins, n'ira jamais assez loin ! Le pape a beau s'écrier : "On me crucifie !", l'Edit entre en application parce que le roi le veut. L'absolutisme de la monarchie française en sort renforcé : seul le souverain décide de ce qui est bien ou mal, utile ou inutile, juste ou faux. Au reste, même s'il communique impeccablement, Henri ne s'en cache pas, aimant à répéter cet axiome dont ses successeurs feront leur miel : "Un roi n'est responsable qu'à Dieu seul et à sa conscience."


Pages 227-229
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