L'annonce de la perte d'un être aimé fige à tout jamais dans notre mémoire l'endroit précis où nous nous trouvons à ce moment-là, en tout cas bien mieux que la photographie ne saurait le faire.
Comme beaucoup d'hommes qui ont participé à ce qu'on appelait alors " une simple opération de police", notre père resta muet sur ce qu'il avait vécu. Les seules choses que nous savons sont de l'ordre du détail, comme son insoumission aux ordres absurdes et sa rébellion qui l'ont amené à faire quelques mois supplémentaires pour cette guerre jusque là sans nom et reconnue officiellement comme la guerre d'Algérie depuis le 10 juin 1999 par l'Etat français.
Il aura fallu attendre quarante-cinq ans.
Tout autour de la photographie, il y a l'absence, l'absence de celles et ceux qui ne sont plus là pour nous dire qui figure sur la photographie. Tout autour de la photographie, il y a le silence, ce vide abyssal devant lequel nous nous trouvons face au regard de celles et ceux qui ne nous laissent pour mémoire que leurs seuls visages. Tout autour de la photographie, il y a l'angoisse, celle qui me prend physiquement dans les entrailles, de voir et de ne jamais savoir.