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Citation de Dandine


Huit mois durant, j'ai passé tous mes jeudis après-midi avec Henry Grandjean. […] À l'heure de nous quitter Henry vérifiait ma tenue, il ôtait de mes cheveux les brindilles qui s'y étaient prises, débarrassait ma jupe des traces de terre et de mousse, vérifiait les boutons un par un, et terminait l'inspection par une claque sur les fesses, « Vous pouvez y aller, militaire ». Je pense à lui chaque jour et je prie pour ce mécréant qui se moquait de ma foi, car il faut vous dire qu'Henry Grandjean mangeait du curé. Souvent, après nous être jetés l'un sur l'autre et dévorés par tous les bouts avec une fougue dont je ne suis toujours pas revenue, nous causions. Allongés dans l'herbe, couchés sur des aiguilles de pin, à l'abri sous un auvent, repus, heureux, nous discutions de choses graves. Henry apportait une gourde de fer-blanc qui donnait à l'eau un goût de métal, des reinettes de son jardin et, les jours de chance, un morceau de fromage. L'amour donne faim. Nous mangions, nous parlions, et nous n'étions d'accord sur rien. Même sur la guerre nous n'étions pas d'accord. Si notre souhait le plus ardent était de voir la France libérée, les raisons de notre colère étaient différentes, opposées. Il en tenait pour la liberté, j'en tenais pour l'honneur. Il citait Montaigne, Diderot et Benjamin Constant, dont je ne connaissais pas une ligne, et me riait au nez lorsque j'invoquais Bayard, Turenne, Jeanne d'Arc ou le Maréchal Foch. Quand j'enrageais de voir la France manquer à ses devoirs de « fille aînée de l'Église », il me traitait d'invétérée bigote, « elle est belle la fille aînée, une vraie pute, oui », il en profitait généralement pour me culbuter dans l'herbe une fois de plus.
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