Henri Micciollo

Dès son premier film, "Pather Panchali", adaptation du roman de B.Bannerjee, Satyajit Ray, inspiré par les grands maitres du cinéma occidental, imposa un style à la fois rigoureux et sensible. La musique avait été composée par Ravi Shankar. le cinéaste de Calcutta y décrit la vie dans un petit village du Bengale, au sein de la famille d'Harihar, un brahmane désargenté. C'est là que nait Apu, qui vagabondera d'abord en compagnie de sa soeur ainée, et que l'on retrouvera ensuite jusqu'à l'âge d'homme, à Bénarès et Calcutta, dans les deux autres films de la trilogie, "L'Invaincu" et "Le Monde d'Apu". Satyajit Ray a également adapté des nouvelles et des romans de Rabindranath Tagore et est souvent présenté comme un héritier de la renaissance bengalie dont Tagore, issu d'un milieu aisé et cultivé, était le représentant le plus célèbre. Dans "Charulata", dont le cadre est celui de l'Inde victorienne à la fin du 19ème siècle, le cinéaste donne la prééminence, comme cela a souvent été le cas, à un personnage féminin, Charu, une jeune femme émancipée et éprise de littérature qui se rapproche peu à peu du cousin de son mari... L'interprétation de Madhabi Mukherjee est tout simplement éblouissante, comme elle l'avait déjà été dans "La Grande Cité". Satyajit Ray, qui a été un illustrateur et un écrivain pour la jeunesse, s'est aussi livré à quelques fantaisies. Dans "Le Dieu éléphant", par exemple, il reprend le personnage de détective de ses romans, Félu, et construit son intrigue à partir de l'imaginaire d'un enfant. Il y ajoute en cinéaste amateur d'art la somptuosité du cadre : la ville de Bénarès, ses venelles, ses cours et ses arrière-cours, ses Ghats plongeant dans les eaux du Gange... Voici donc un livre, dont les analyses sont suivies d'entretiens, qui permet de nous rapprocher de cet immense artiste qui loin des conventions du cinéma hindi a su élaborer , avec ténacité et passion, une oeuvre très riche, pleine de poésie et d'émotions.

Le livre-somme (aujourd'hui référentiel) d'Henri Micciollo --- richement illlustré des "photographies de plateau" des légendaires 36 films du magicien Ray -- ne semble pas avoir été ré-édité et mis à jour chez l'éditeur lausannois "L'âge d'homme"... depuis la disparition de l' immense artiste perfectionniste que fut le réalisateur-cinéaste-musicien-écrivain) bengali Satyajit Ray (সত্যজিত রায়, 1921-1992)... C'est pourtant un riche, dense et assez incroyable "pavé" de 344 pages, paru en 1981 et qu'on peut toujours commander à la fnac [pour 22 euros, soit le prix d'une dispensable "nouveauté" (?) houellebecquo-nothombienne industrielle], sur amazon ou Price minister... voire chez son Libraire favori ! Je vous assure que vous aurez envie de TOUT connaître de l'art de Satyajit Ray, ensuite !!!



Ce qu'il y a de plus curieux dans le cinéma de Ray, c'est que tous ses interprètes rayonnent... Est-ce lié à la grâce et la simplicité de sa mise en scène, à la perfection de la photographie, celle des éclairages et des décors, à quelque chose d'indicible ? On sent une magie vivant en chaque plan et un perfectionnisme aussi bien sur le fond - ces enthousiasmantes adaptations de romans ou de nouvelles d'auteurs bengalis par l'infatigable réalisateur-scénariste & musicien - comme sur la forme - dans ce lent passage du noir-et-blanc à la couleur (avec ces sommets chromatiques que seront "Tonnerres lointains" et "La Maison et le Monde"), pas moins de 35 ans de métier, d'exigence et d'épure - une méticulosité comme un amour apportés au moindre détail... Ajoutons que Satyajit Ray a eu la curiosité d'aborder TOUS les genres cinématographiques au cours de sa longue carrière : de l'adaptation des chefs d'oeuvre de la littérature bengalie (Rabindranath Tagore, Bibhutibhusan Bannerjee, Sukumar Ray...), du documentaire au film pour enfants, du film musical aux films les plus réalistes, du roman policier - voire du thriller - au film historique... en passant par les plus brillantes études de moeurs, reflet des fulgurantes transformations sociologiques du Bengale au XXème siècle.



Oeuvre de peintre, maître du clair obscur...



Lente symphonie de visages...



« La magie de Ray, la simple poésie de ses images et leur impact émotionnel resteront toujours en moi. » [Martin Scorsese]



On trouve en France (*) aujourd'hui sur support DVD (zone 2) -- à ce jour déjà [ou plutôt seulement, sur les 36 connus] 16 de ses films : dont 12 chez l'éditeur "Films sans Frontières" ("La Complainte du Sentier", "L'Invaincu", "Le salon de musique", "Le monde d'Apu", "La déesse", "Trois filles", "La grande cité", "Charulata", "L'adversaire", "Des jours et des nuits dans la forêt", "Tonnerres lointains", "La Maison et le Monde"), 5 chez l'éditeur "Les Films du Paradoxe" ("La grande ville", "Charulata", "Le lâche", "Le héros", "Le Dieu éléphant") et 1 chez l'éditeur "Epicentre Films" ("L'expédition") : tous bien sûr en leur version originale -- musicalité de la langue bengalie -- sous-titrée en français) et à un prix modique -- avec, en moyenne, une très bonne qualité des copies et une excellente définition). Bien sûr, un nombre beaucoup plus important de ses films sont disponibles en DVD -- ainsi que de monographies sur l'artiste et son Oeuvre -- en Inde et en Grande-Bretagne, l'ancienne Puissance coloniale pour l'Inde et le Pakistan...



P.S. : n'hésitez pas à venir admirer les photographies ou lire l'intégralité de notre article-fleuve à propos de la "Cinémagie de Ray"... qui fait dès à présent -- et pour ces trois prochains mois -- l' "accueil" de notre blog "Regards Féériques" [Il vous suffit de CLIQUER sur le lien ci-dessous] ! Amitié à tous...


Lien : http://www.regardsfeeriques...