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Citation de Charybde2


J’avais passé ma journée à faire la tournée des Mâts de sacrifices, quand j’ai appris que mon frère s’était échappé. En fait, je savais depuis longtemps que quelque chose allait arriver ; le Sanctuaire m’avait prévenu.
À l’extrémité septentrionale de l’île, près des ruines délabrées de la cale de halage dont le treuil rouillé grince encore quand le vent souffle à l’est, j’avais deux mâts, plantés sur le flanc de la dune la plus éloignée. À l’un d’eux étaient attachées une tête de rat et deux libellules, à l’autre, une mouette et deux souris. J’étais en train de rattacher une souris, quand des oiseaux s’élevèrent en cercle au-dessus du chemin qui serpentait entre les dunes, et longeait ainsi leurs nids. Je m’assurai que la bête tenait bien, puis me hissai au sommet de la dune pour observer ce qui se passait avec mes jumelles.
C’était Diggs, le policier du village, qui dévalait le sentier à vélo, le front baissé, pédalant avec vigueur tandis que ses roues traçaient un profond sillon dans le sable. Arrivé au pont, il descendit de sa bicyclette et la posa contre les tirants. Puis, il s’avança jusqu’au milieu de la frêle construction et s’arrêta devant la barrière. Je le vis appuyer sur le bouton de l’interphone. Il demeura un instant immobile, les yeux fixés sur les dunes où les oiseaux allaient se reposer. Il ne m’aperçut pas ; j’étais trop bien caché. Enfin, mon père dut répondre, car Diggs se pencha en avant pour parler vers la grille près du bouton d’appel. Ensuite, il poussa le portail, traversa le pont et pénétra dans l’île en empruntant le chemin qui menait à la maison. Je restai assis un long moment après qu’il eut disparu, à me gratter entre les jambes, laissant le vent jouer dans mes cheveux tandis que les oiseaux se reposaient sur leurs nids.
Je pris le lance-pierres passé dans ma ceinture, choisis une bille d’acier de belle taille, visai posément et envoyai le projectile sur l’autre rive, par-dessus les poteaux téléphoniques et le petit pont suspendu. Il frappa la pancarte « Propriété privée – défense d’entrer » avec un son mat que j’entendis de là où j’étais. Je souris : voilà qui était de bon augure. Le Sanctuaire avait été évasif (comme d’habitude), mais j’avais la certitude qu’il m’avait annoncé quelque chose d’important et de terrible. J’avais bien fait d’aller inspecter mes Mâts. Tout était en ordre, les choses étaient encore de mon côté.
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