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Citation de enzo92320


LA SÉDUCTION AGGRAVÉE

On ne peut rien comprendre aux normes sexuelles du XIXe siècle et du début du XXe siècle si, faisant preuve d’anachronisme, on sépare a priori la sexualité de la procréation dans les relations entre hommes et femmes. En effet, la grossesse possible après un rapport sexuel est alors « la » grande question, au cœur du système divisant le permis et l’interdit sexuels. Jamais l’inégalité entre les sexes n’est aussi forte que lorsqu’une naissance non voulue se profile hors du mariage. Dans ce cas, deux situations radicalement opposées se font face selon que l’on est homme ou femme.
L’homme géniteur de l’enfant ne sera en aucun cas amené à admettre sa part dans la procréation et à se reconnaître « père » s’il ne le souhaite pas, il peut donc s’éclipser tranquillement en faisant comme si sa relation sexuelle et procréative à la femme qui a donné naissance à l’enfant n’avait jamais existé. C’est la situation extraordinaire créée par l’article 340 du Code civil qui interdit la recherche en paternité, au motif que de dignes pères et fils de famille pourraient être accusés faussement d’être le géniteur de l’enfant par des dévergondées cherchant à se faire épouser ou à tout le moins à bénéficier de leur argent. Au nom du « mystère à jamais impénétrable de la paternité », et au motif que des femmes peuvent mentir, on institue un principe général d’irresponsabilité masculine dans les relations hétérosexuelles hors mariage.

C’est un immense recul par rapport à la situation dans l’ancienne France où non seulement la procédure en déclaration de paternité était possible, mais où une confiance en la parole féminine s’appuyait sur l’adage voulant qu’une jeune fille ou une jeune femme se découvrant enceinte ne mente pas sur l’auteur de sa grossesse à la veille de risquer sa vie dans les douleurs de l’enfantement et d’affronter peut-être le Jugement dernier. L’article 340 renvoie cette logique au passé, fonde la paternité sur la seule volonté de l’homme, et va ouvrir dès lors de magnifiques carrières de séducteurs, d’agresseurs et parfois de violeurs, à des coqs de village, des maîtres de maison, des patrons d’usine, des employeurs, des boutiquiers, des soldats, des fermiers, des chefs de clinique, des curés, bref à tous les hommes en situation de pouvoir sur une ou plusieurs femmes et qui sont prêts à en profiter.

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