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Citation de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Depuis les premiers siècles de l'écriture jusqu'au Moyen Age, la norme était de lire à voix haute, pour soi-même ou pour les autres, et les écrivains prononçaient les phrases à mesure qu'ils les écrivaient, pour entendre de cette manière leur musicalité. Les livres n'étaient pas une chanson qui se chantait dans la tête, comme maintenant, mais une mélodie qui bondissait sur les lèvres et résonnait à voix haute. Le lecteur devenait l'interprète qui lui prêtait ses cordes vocales. [...] Il ne faut pas imaginer les portiques des bibliothèques anciennes silencieux, mais envahis par les voix et les échos des rouleaux [de papyrus]. Sauf exception, les lecteurs de ces époques n'avaient pas la liberté dont tu [toi, le lecteur d'aujourd'hui] jouis pour lire à ta guise les idées ou les récits écrits dans les textes, pour faire une pause afin de réfléchir ou de rêver les yeux ouverts quand tu le souhaites, choisir et cacher ce que tu choisis, interrompre ou abandonner, créer tes propres univers. Cette liberté individuelle, la tienne, est une conquête de la pensée indépendante face à la pensée sous tutelle, et elle a été gagnée pas à pas au fil du temps.
C'est pourquoi sans doute, les premiers à lire comme toi, en silence, en conversation muette avec l'écrivain, attirèrent puissamment l'attention. Au IVè siècle, saint Augustin fut tellement étonné de voir l'évêque Ambroise de Milan lire ainsi qu'il le mentionna dans ses Confessions. C'était la première fois que quelqu'un faisait cela devant lui ce qui, manifestement, lui parut hors du commun. Quand il lit - nous raconte-t-il avec stupéfaction -, ses yeux parcourent les pages et son cerveau comprend ce qu'elles disent, mais sa langue se tait. Saint Augustin se rend compte que ce lecteur n'est pas à côté de lui, malgré sa grande proximité physique, mais qu'il s'est échappé dans un autre monde, plus libre et fluide, choisi par lui, qu'il voyage sans bouger et sans révéler à personne où il est. Ce spectacle lui sembla déconcertant et fascinant.
Tu es un type très particulier de lecteur/lectrice, et tu descends d'une généalogie de pionniers. Ce dialogue silencieux entre toi et moi, libre et secret, est une invention incroyable.
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