Isabelle de Janville

Entre 14 et 16 ans, Tom grandit beaucoup, et si son regard clair resta le même sous ses boucles brunes, ses joues se creusèrent un peu. Il fut bientôt difficile de reconnaître en lui le gamin frêle qu’il avait été durant toute son enfance. Lui-même avait d’ailleurs du mal à se reconnaître dans ce nouveau corps, long et tout en muscles. Il dépassait d’une tête ses camarades de classe et avait tendance à se tenir un peu voûté pour gommer cette différence. À présent, il n’avait plus besoin d’utiliser la grosse branche pour monter sur Saramis : il lui suffisait d’attraper d’une main la base de la crinière du cheval pour l’enfourcher d’un seul mouvement.
Tom ne parla à personne de ses rêves. C’était juste une bizarrerie de plus à ajouter à sa collection. Et qu’est-ce qu’il aurait eu à en dire, après tout ? Qu’il rêvait d’un cheval avec lequel il passait son temps à se promener ? Il aurait eu bien du mal à expliquer combien ces moments passés à Tergaïa le rendaient heureux et combien l’air qu’il respirait là-bas lui donnait l’impression d’avoir des ailes.
Le temps passant, il développa une personnalité de plus en plus secrète. Le fait de dissimuler à tous les capacités bizarres qui se développaient en lui – comme sa faculté à lire les pensées des gens, à percevoir ce qu’ils ressentaient, ses capacités mentales ou encore son aptitude à se projeter dans des rêves d’une réalité hallucinante – devint une seconde nature chez lui.