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Citation de J-line


J-line
13 décembre 2011
Chap.3 : Prédire, des mots aux maux ?

Nous nous intéresserons ici au champ existentiel : aux impacts anthropologiques, psychologiques et sociaux du dire. Raison pour laquelle notre interprétation et notre souci, s’ils rencontrent en interférence celle et celui du médecin, ne peuvent s’y fondre : celui-ci, à la différence de tout théoricien, se préoccupe prioritairement de son patient actuel, de sa demande individuelle, de ses risques personnels, de sa souffrance particulière et de sa pathologie singulière. Mais il nous paraît néanmoins important de départager les deux domaines que sont l’existentiel et le médical -et important d’interroger la liberté d’existence face aux dires prédictifs et probabilistes.

A - Définition :
Les examens génétiques mettent au jour des éléments permettant d’identifier les personnes (potentielles, en développement in utero ou constituées) dotées d’une particularité à implication défavorable ou pathologique –à plus ou moins long terme et selon des probabilités diverses. Mais ils permettent également de confondre délinquants et criminels, de spécifier les liens familiaux contestés ou rompus, et de retracer l’histoire des migrations, métissages ou extinctions de populations ancestrales. En outre, ces analyses couvrent différents domaines : médical (acceptions prédictives ou diagnostiques et portées informatives, préventives ou curatives), existentiel (eu égard à diverses options d’existence et concernant les mécanismes de soutenances individuelles -au regard de la liberté et de l’investissement de l’avenir), juridique (limites, normes et champs d’application des techniques), policier (fichiers constitués et preuves récoltées), judiciaire (validité et portée des tests effectués), socio-économique (risques de stigmatisations et de discriminations) et finalement éthico-familial (notions de transmission ou de responsabilité, décisions procréatiques ou abortives, ouverture du secret médical, droit ou devoir de savoir, substrat affectif et éducatif…). De même, ces examens peuvent répondre à une demande individuelle, à une inquiétude tierce (conjoint, membre d’une fratrie, parent, institution de soins…), ou encore à une initiative soutenue par les représentants de la collectivité (demande judiciaire ou sollicitation issue du Ministère de la Santé publique). Ainsi, dans l’hypothèse d’un screening génétique, il s’agit de mettre au jour des risques associés à l’hérrédité par la mise en œuvre systématique de dépistages accordés en leurs recherches spécifiques aux populations auxquelles ils s’adressent. Cette recherche se tourne vers des individus n’ayant pas explicitement formulé de demande et ne présentant aucun symptôme particulier mais relevant d’un groupe statistiquement plus exposé à l’un ou l’autre gène potentiellement pathogène : soit en son expression diachronique (patient présymptomatique), soit en son expression circonstancielle (patient prédisposé), soit en son doublement allèlique (patient porteur sain). Cette option entend un groupe cible, une systématisation et une institution demandeuse (Ministère de la Santé publique) ; elle peut être préconceptionnelle (cherchant l’état de porteur d’une maladie grave récessive –en fonction de la fréquence du gène au cœur de la population : mucoviscidose, drépanocytose, Tay Sachs, Thalassémie…), anténatale (eu égard à une malformation du fœtus, une anomalie chromosomique ou une particularité génique : Spina Bifida, Trisomie 21, X fragile…), néonatale (par rapport à des désordres métaboliques pouvant être précocement pris en charge : phénylcétonurie… ) ou encore de prédisposition (à l’égard de cancers, de maladies coronariennes, d’hypertension…).
Le conseil génétique recouvre donc l’évaluation des risques associés à l’hérédité : qu’il s’agisse de mutations spécifiques, de particularités chromosomiques structurales ou quantitatives (aneuploïdie des autosomes ou des chromosomes sexuels), de terrain génomique familial ou de susceptibilités de développer, selon des probabilités plus ou moins importantes, des maladies particulières. Il s’adresse aux individus inquiets de leur avenir personnel, aux géniteurs potentiels ou aux futurs parents confrontés à l’une ou l’autre anomalie du fœtus -mais aussi, désormais, à des sujets atteints de désordres métaboliques susceptibles d’être palliés. Dans la perspective procréatique, ce conseil porte sur un présent ou sur un antécédent de pathologie, voire sur une stérilité : il cherche une cause, tente un diagnostic, estime les risques de transmission, les objective quelquefois, et formule des conjectures plus ou moins probables ou des certitudes incontournables quant au devenir bio-médical de ce fœtus. Dans la perspective individuelle, il entend informer le consultant des risques encourus de développer telle ou telle pathologie. Et l’on distingue quatre situations spécifiques au diagnostic postnatal :
a) Le consultant est porteur d’une anomalie génétique confirmant le diagnostic émis antérieurement face à un ensemble de symptômes : domaine strictement médical -eu égard à la disponibilité d’un traitement curatif ou palliatif / mode proprement diagnostique.
b) Le consultant, le plus fréquemment motivé par un vécu familial, s’avère porteur d’un gène pathogène à expression retardée : domaine médical à implication existentielle –eu égard à l’impact psychologique et familial (affectif) d’une telle annonce / mode diagnostique présymptomatique.
c) Le consultant, porteur sain d’un gène dont la combinaison homozygote est dommageable : domaine médical à extension transgénérationnelle et implications éthiques –eu égard aux risques eugéniques (totalitaires, utopiques, idéalistes ou narcissiques) / mode informatif.
d) Le consultant est porteur d’un gène impliqué dans un processus pathogène polygénique et / ou plurifactoriel : domaine existentiel et social à prolongement médical -eu égard à une ankylose de l’existence (précautions castratrices, orientation existentielle tronquée, savoir anxiogène…) et aux discriminations diverses (accès à l’emploi, aux assurances, aux financements…) / mode diagnostique de prédisposition.
B - Du ‘Dire’ : diagnostic et prédiction.
Ainsi soit-il : Œdipe actualisa la vision de l’oracle ! Fuyant un possible parricide, le fils de Jocaste se jeta devant le char du roi –son père. Pour lui, la prédiction se fit fatum –inéluctable verdict. Car prédire n’est pas dire mais dessiner dans l’imaginaire un avenir imaginé. Et insérer dans le présent un futur présentifié : le drame commence dans la parole, avant tout fait. Pourtant, les demandes soumises aux praticiens se décuplent, empiétant sur différents domaines -non plus strictement médicaux mais proprement sociaux, voire existentiels. Parallèlement ou conséquemment, les tiers faisant irruption entre le médecin et son patient se sont démultipliés : instruments et interfacces, fonds pulsionnels et utopies, projections personnelles et constructions diachroniques, histoire familiale et projet collectif (éthico-culturel ou spéciel). En outre et paradoxalement, c’est la volonté d’écarter l’interférence parasite du symptôme ‘masquant la réalité sous-jacente’ qui conduisit peu à peu à introduire instruments endoscopiques et optiques, normes et statistiques, défaillances cachées du métabolisme et matrices enfouies au cœur des cellules -et Canguilhem de souligner déjà (...)
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