AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Woland


Woland
16 décembre 2015
[...] ... Le texte de [Lawrence] Durrell présente Gaswsworth ou Armstrong comme un chasseur de joyaux introuvables, expert et incroyablement doué, avec une magnifique vue de bibliophile et une bien meilleure mémoire bibliographique, qui, dans les années de ses débuts, commençait habituellement ses journées par acheter pour trois pennies une édition rare et chère que sa pupille savait discerner et reconnaître parmi le menu fretin des caisses de soldes exposées sur Charing Cross Road, pour la revendre immédiatement, pour plusieurs livres, à quelque mètres de là, chez Rota de Covent Garden ou à un autre libraire guindé de Cecil Court. Outre ces volumes exceptionnels (il en gardait beaucoup, comme des trésors), il possédait des manuscrits et des lettres autographes d'auteurs admirés ou de renom, et toutes sortes d'objets qui avaient appartenu à des personnes illustres, acquis avec on ne sait trop quel argent dans les ventes aux enchères qu'il fréquentait : un bonnet de Dickens, une plume de Thackeray, une bague de lady Hamilton, et plus tard même les cendres de Shiel. Il dépensait une grande partie de son énergie à essayer d'obtenir de la Royal Society of Literature et d'autres institutions dont il martyrisait les membres les plus mûrs de ses insistances et de ses ennuyeuses comparaisons littéraires et monétaires, des pensions et des aides pour des vieux écrivains peu solvables ou simplement ruinés après le succès : les Maîtres Machen & Shiel furent parmi ses bénéficiaires. Mais Durrell raconte aussi que la dernière fois qu'il l'avait vu, quelques six ans auparavant (le texte est de 1962, quand Gawsworth vivait encore et avait cinquante ans, donc il l'avait vu à quarante-quatre ans ; mais curieusement Durrell, du même âge que lui, en parle comme de ceux qui sont partis ou sont sur le point de partir), c'était dans Shaftesbury Avenue, poussant devant lui un landau de bébé. Un landau victorien de taille énorme, signale Durrell. En voyant ce bohémien excentrique, l'Ecrivain véritable, qui dès son arrivée de Bournemouth, l'avait ébloui de ses connaissances et lui avait montré le Londres littéraire et nocturne, il pensa que la vie l'avait finalement recentré et lui avait confié des charges (qu'il s'était lui aussi mis en régle avec la vie, dit littéralement Durrell) et qu'il avait des enfants, peut-être trois paires de jumeaux à en juger par la taille peu commune du véhicule. Mais en s'approchant pour voir le petit Gawsworth ou le petit Armstrong ou prince de Redonda, qu'il s'attendait à trouver sous la capote, il découvrit avec soulagement que l'unique contenu de la poussette était un tas de bières vides que Gawsworth allait rendre pour en toucher la consigne et les remplacer par d'autres intactes. ... [...]
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}