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Citation de Jean-Daniel


L'histoire que voici (est) d'origine turque (...).
Un homme qui vivait à Istanbul, et qui était âgé de soixante ans, épousa par amour, malgré les conseils de ses amis, une jeune et jolie femme.
L'homme était très honorablement connu, riche, et l'on faisait souvent appel à lui pour avoir son avis dans les affaires délicates.
Il lui arriva ce qui arrive assez souvent aux hommes âgés et imprudents. Sa jeune femme prit un amant de son âge, qu'elle voyait clandestinement dans une maison de rendez-vous fort discrète, tenue par une vieille entremetteuse.
Si habile que fussent les deux femmes, cette liaison fut un jour connue. Des amis très prévenants se firent un devoir - et un plaisir - de raconter au mari trompé son infortune. L'homme fit vérifier leurs dires. Il convoqua l'entremetteuse et, sous la menace (et à l'aide d'un sac d'argent), lui fit tout avouer.
Il fit alors appeler sa femme, qui se doutait de quelque chose, et qui ne put nier l'évidence. Sous les accusations précises de son mari, elle pleura, elle s'effondra, elle implora tous les pardons du monde, tout en sachant que les lois en vigueur interdisaient ce pardon-là et qu'elle risquait la répudiation et la mort.
L'homme - dont l'amour n'avait pas faibli, bien qu'il le cachât - lui demanda de monter dans sa chambre et d'attendre sa décision. Elle lui obéit. Pendant toute une nuit, l'homme resta seul. Il pria, il réfléchit à ces notions complexes que sont l'amour et la fidélité, il relut également le texte des lois en se demandant, devant la diversité des hommes, s'il était vraiment possible d'établir des obligations s'appliquant à tous.
Il pria encore, il réfléchit jusqu'au fond de lui-même, il s'interrogea. Il prit enfin sa décision.
De bonne heure, il sortit. On le vit en différents endroits de la ville. Vers la fin de la matinée, il rentra chez lui et demanda aux serviteurs de préparer un repas pour deux personnes.
Quand le repas fut prêt, il fit descendre sa femme et la pria de s'asseoir en face de lui. Silencieuse, elle présentait un visage pâle et fatigué, où se voyaient encore les traces des larmes de la nuit.
- Mangeons, lui dit-il.
Pendant qu'on servait le repas, l'homme rappela à sa femme que le lendemain soir ils recevaient des invités, et qu'elle devait veiller à la bonne marche de la soirée. Il lui dit aussi que les ouvriers allaient venir, un peu plus tard, pour réparer une partie du toit, qui s'était récemment effondré, et qu'il comptait sur elle pour les accueillir et les surveiller.
Bref, il se comportait avec elle comme il l'eût fait en tout autre jour, normalement. Rien ne paraissait le troubler.
La jeune femme s'étonnait, et même s'inquiétait, de l'attitude de son mari, de qui elle attendait reproches et punitions.
Quand ils commencèrent à manger, l'homme lui dit :
- Tu ne déplies pas ta serviette ?
En effet, dans son désarroi, elle avait oublié de prendre sa serviette de table. En la dépliant, elle y découvrit un écrin portant la marque du meilleur bijoutier de la ville.
Elle ouvrit l'écrin, elle y vit un bijou magnifique.
- C'est pour qui ? demanda-t-elle, dans le plus profond des étonnements.
- C'est pour toi, lui dit son mari.
Elle regardait le bijou sans comprendre, sans oser même le toucher.
Elle dit enfin, d'une voix tremblante :
- Mais je n'ai pas mérité de le recevoir !
- Non, lui dit son mari, mais j'ai mérité de te l'offrir.
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