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Citation de araucaria


LEGAT
Le légat s'installe derrière sa table et prend la parole :
Mes chers frères, depuis que, par la grâce de Dieu, le royaume d'Espagne a découvert et conquis les Indes de l'Ouest, que certains appellent déjà le Nouveau Monde, nous avons vu s'élever un grand nombre de questions difficiles que rien, dans l'histoire des hommes, ne laissait prévoir. Une de ces questions, qui est de première importance, n'a jamais reçu de réponse claire et complète. C'est elle qui nous réunit ici.
(Après une très courte pause, le légat reprend, dans le plus grand silence :)
Ces terres nouvelles ont des habitants, qui ont été vaincus et soumis au nom du vrai Dieu. Cependant, depuis une trentaine d'années, des rumeurs se sont répandues en Europe disant que les indigènes de Mexico et des îles de la Nouvelle Espagne ont été très injustement maltraités par les conquérants espagnols.
(Le dominicain, Las Casas, hoche la tête à ces mots.)
Ces rumeurs, que les ennemis de l'Espagne, l'Angleterre et la France, peuvent avoir exagérées...
(C'est au tour de Sépulvéda d'approuver, d'un léger hochement de tête.)
... sont parvenues à Sa Sainteté le pape, qui s'en est montré vivement ému, d'autant plus que ces traitements s'exerçaient au nom de notre sainte religion.
(Las Casas approuve, là encore.)
Il a toujours été très difficile de séparer les affaires publiques de l'exercice indispensable de la religion. Comment rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu? Comment soigner les âmes en négligeant les corps? C'est une interrogation très ancienne.
(Sépulvéda et Las Casas approuvent ensemble.)
A plusieurs reprises le Saint-Père et ses prédécesseurs avant lui ont manifesté de la compassion pour les populations des terres nouvelles. L'Eglise a toujours recommandé de les traiter avec douceur, mais nos instructions, à ce qu'il semble, n'ont pas toujours été respectées, pas plus d'ailleurs que les règlements de la Couronne.
(Las Casas approuve de la tête.)
Aujourd'hui, le Saint-Père m'a envoyé jusqu'à vous pour décider une fois pour toutes, avec votre aide, si ces indigènes sont des êtres humains achevés et véritables, des créatures de Dieu et nos frères dans la descendance d'Adam. Ou si au contraire, comme on l'a soutenu (il se tourne vers Sépulvéda), ils sont des êtres d'une catégorie distincte, ou même les sujets de l'empire du diable.
(Un bref et mince sourire traverse le visage de Sépulvéda.)
A la fin de notre débat, la décision que je prendrai sera ipso facto confirmée par Rome.

SUPERIEUR
Deviendra-t-elle par conséquent irrévocable?

LEGAT
C'est l'usage.
(Une courte pause.)
Je vois que les adversaires qui vont s'opposer sont l'un et l'autre très illustres, et je les remercie au nom du Saint-Père d'avoir accepté cette dispute.
(Il dirige son regard vers le dominicain.)
Et d'abord frère Bartolomé de Las Casas, qui connaît bien les terres nouvelles et a plusieurs fois manifesté ses bons sentiments à l'égard de ces indigènes.
(Las Casas incline la tête.
Le légat se tourne vers le philosophe :)
En face, je salue maître Gines de Sépulvéda lui-même, dont les oeuvres philosophiques sont connues de toute la chrétienté. Son érudition et sa pénétration d'esprit nous seront précieuses. J'espère que Dieu nous assistera et que par Sa grâce nous saurons garder toute conscience et dignité.
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