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Citation de Rustyheart


Jean-François Chevrier
Depuis Eugène Atget, Robert Doisneau, ou le néoréalisme italien, pour s’en tenir à l’environnement des villes européennes, une histoire du terrain vague s’est formée, proche de la “psychogéographie” ( Guy Debord ) plus que de l’étude savante des formes urbaines. Il existe un exotisme et une tradition pittoresque du terrain vague. Il en existe également une légende, qui vaut particulièrement pour les métropoles, c’est-à-dire pour les agglomérations qui ont rompu définitivement avec leur environnement rural (ou l’ont absorbé très fragmentairement, sous forme de vestiges, assimilés aux parcs et aux jardins); comme si un vide gagné par une végétation sauvage constituait automatiquement une rémanence de la campagne et, par extension, un anachronisme fixant des représentations archaïques. La parenthèse ouverte dans Berlin par la chute du Mur, comme la “Zone” parisienne des anciennes fortifications photographiées par Atget, sont des ruptures chronologiques autant que des interruptions d’une continuité spatiale. Accident de l’histoire, le terrain vague est à la fois un reste d’une espèce d’espace disparu de la ville au cours de son évolution et un territoire interdit de cité, refuge naturel des exclus et des jeux interdits. C’est pourquoi il doit être effacé, comme une tache, ou résorbé, comme une tumeur. Car s’il est généralement isolé, étroitement localisé, ou périphérique, il peut se diffuser par contagion et gagner toute la ville en absorbant l’espace public, comme on a pu le constater dans les downtowns américain et parfois même en Europe (à Milan par exemple). À l’exception de quelques îlots protégés, qui entretiennent une image d’ordre et de prospérité, la ville tout entière est gagnée par le vague: ville vague, constituée de fragments vaguement assemblés.

entretien intitulé " Intimité territoriale et espace public" au Jeu de Paume, Paris
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