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Critiques de Jean-Marie Gleize (5)
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Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne, t..

Reçu, un peu en avance, en guise de cadeau pour la fête des mères, parce que je suis une inconditionnelle de Linda Lê.



Ce court ouvrage collectif, dont chaque texte est précédé par une (si belle !) photo de l'autrice ou de l'auteur, est un livre qu'on peut qualifier de livre de commande. En effet, « depuis 2017, la Maison des écrivains et de la littérature invite des autrices et des auteurs à jouer au « Livre en question », en écrivant un texte librement inspiré par la bibliothèque interuniversitaire de la Sorbonne (BIS) ».

Dans la préface, Laurence Bobis, rappelle la force de ces textes rédigés entre 2020 et 2021 : « Malgré les circonstances, ces cinq textes sont des messages d'espoir ou des invitations à ne pas désespérer. » (p. 8), tandis que Sylvie Gouttebaron, nous propose une définition ludique de la bibliothèque : « La bibliothèque est un jeu de patience, mais aussi un jeu de l'oie – sans puits ni prison –, une marelle, un labyrinthe (c'est connu) – sans autre destination ou issue que la satisfaction d'un désir de savoir, de connaître toujours recommencé, jamais exaucé –, tous jeux aussi tentants que le diable gisant dans chaque détail insoupçonné de ses méandres en relief, véritablement habités. » (p. 11)

C'est Linda Lê qui a eu l'honneur d'ouvrir le bal, avec « La langue de l'éternel questionnement » (pp. 15-30). Pour elle, les livres s'enchaînent les uns aux autres et elle extirpe de l'oubli et de la BIS, grâce à Iouri Tynianov, un certain Alexandre Griboïedov, auteur malheureux d'un pièce de théâtre intitulée « Le Malheur d'avoir trop d'esprit ». Linda Lê fait remarquer que : « Le fil qui relie Nadejda Mandelstam à Iouri Tynianov, puis à Pouchkine et à Griboïedov, c'est l'évocation des temps troublés. » (p. 25). Elle mentionne « à la BIS, deux thèses consacrées à Griboïedov, en 1907 et en 1965 » (p. 26). Selon elle, « Chez Griboïedov, la langue de l'éternel questionnement oscille entre le cynisme des uns et l'effacement des autres » (p. 29), car « il ne reste aux « purs » qu'à battre en retraite » (p. 28). Ainsi, pour elle, « La question demeure : le livre en question serait-il une énigme à résoudre, l'objet d'une enquête qui mène à un autre livre ? » (p. 30)

Arno Bertina, s'est penché (pp. 31-46), quant à lui, à la BIS, sur la question « Des tracts et des affiches ». D'entrée de jeu il affirme que : « Mondialement célèbre, ce lieu est éminemment labyrinthique, insaisissable » (p. 31), et constate que le rôle de conservation d'une bibliothèque est « d'opérer un tri drastique entre ce qui relève du savoir, de la culture et ce qui est pauvre, circonstanciel, non autorisé » (p. 34).

Muriel Pic, dédie son «  Manicules (à la BIS) » à la mémoire de Jacques le Brun. Elle relate sa longue expérience de lectrice en s'intéressant notamment à l'ensemble des annotations et plus particulièrement aux stigmates laissés par certains lecteurs. Pour la définition des manicules on peut retenir le passage suivant : « La manicule est une petite main que dessinaient jadis les lecteurs sur les joues pâles des livres, à distance de l'axe vertical des textes qui va du blanc de tête au blanc de pied, et distribue les mots de gauche à droite sur toute la surface du rectangle d'empagement. C'est un geste de lecture pour indiquer ce qui a retenu l'attention, doit être gardé en mémoire ou sera commenté plus tard. La manicule est une trace en forme de petite main que l'on trouve dans les marges des manuscrits et des incunables à partir du neuvième siècle. Elle a l'index pointé sur une phrase articulée par une bouche imaginaire, dont les deux hémi-lèvres se touchent en forme d'arc de cupidon. Tout texte a son propre visage, ses propres mimiques, sa propre tache de naissance. Grâce à elle, on comprend qu'un livre a été pris en main. Un lecteur fait signe sur la surface diaphane du parchemin. Une motion intérieure affleure sur la peau animale, chèvre, mouton, veau » (pp. 50-51), tandis que pour les stigmates, on retiendra surtout ceci : « Il est remarquable que les ouvrages portant les marques de lecture les plus sauvages aient trait à des sujets politiquement délicats. C'est en tout cas le constat que l'on peut faire si on ouvre l'armoire des livres détérioré de la Sorbonne, sachant qu'il n'y a pas de limite à la fantaisie dans le domaine de la destruction des livres. le plus frappant a été pour moi d'y trouver l'ouvrage d'Annette Wieviorka littéralement dévoré sur les bords par je ne sais quel animal anonyme soudain doué d'une haine qu'ignorent en temps normal les bêtes » (pp. 87-88).

On se souviendra que les fantômes sont aussi des « revenants » avec le magnifique texte de Jean-Christophe Bailly (pp. 101-118).

Dans le dernier texte « Comme un cygne » (pp. 119-130), Jean-Marie Gleize nous parle de poésie, et plus amplement d'Alphonse de Lamartine.

La dernière phrase est sublime : « Il pourrait n'être pas absurde de dire qu'il s'agit, dans cette « Mort de Socrate », de quelque chose comme le suicide de la philosophie par absorption d'un poison qui n'est autre que le chant romantique, le chant des cygnes ou des signes, la très suave ciguë de l'harmonie poétique et religieuse. » (pp. 129-130)



Un court recueil donc avec des auteurs (à l'exception de Linda Lê) inconnus pour moi qui a été aussi l'occasion de garnir généreusement de futures listes de livres à lire. Un bel hommage à ce lieu d'exception qu'est la BIS !
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Toi aussi, tu as des armes : Poésie & politique

9 textes sur "Poésie et politique" incluant 2 excellents essais historico-critiques, et 3 bombes littéraires.



Cette récente livraison des précieuses éditions La Fabrique rassemble 9 textes, allant chacun d'une dizaine à une trentaine de pages, et ainsi 9 manières d'aborder le lien entre poésie et politique.



"Ce livre, où il est question de poésie, réunit des écrivains qui ont en commun de ne pas trop aimer qu'on les traite de poètes. Elles et ils ne tiennent pas non plus à ce que leur travail d'écriture soit qualifié de poésie. (...) Dans une grande diversité - dont ce livre rend compte -, leur écriture est hantée par la politique, bien que celle-ci soit rarement le thème dominant de leur travail. (...) La poésie telle qu'ils l'envisagent est une opération pratique, concrète, où l'on ne se raconte pas d'histoires et où l'on pense l'art comme un acte - individuel, certes - mais aussi comme un lieu public, une scène ouverte."



Avec "L'action solitaire du poème", Jean-Christophe Bailly propose un remarquable texte théorique, où l'on parcourt Mallarmé, Rimbaud, Goethe, Celan, Pound, ou encore Mahmoud Darwich, bien sûr. "Le poème qui laisse entrer en lui la rumeur de l'Histoire ne peut jamais le faire gratuitement et sans risque".



Avec "Opacité critique", Jean-Marie Gleize nous convie à un tour d'horizon de la manière dont les successeurs des poètes engagés de la génération 1970 travaillent aujourd'hui. "Une certaine négation de la politique par la poésie est politique. Surtout si l'on veut bien admettre par ailleurs cette pratique de l'écriture de poésie comme négation endurante de "la" poésie : aucun message achevé, refus de la revendication, maintien à hauteur d'énigme, réalisme radical."



Avec "Actions politiques / Actions littéraires", Christophe Hanna décortique magistralement les implications de la métaphore d'une "bombe littéraire", tandis qu'avec "De quelques points d'intersection", Yves Pagès décrypte le rôle de la mémoire des mots dans la construction d'une identité politique, que Véronique Pittolo, dans "POPOPA - Poésie, politique & Sarah Palin", convoquant Robespierre et Spinoza, relit le storytelling des acteurs politiques contemporains à l'aune de leur poésie absente, et qu'enfin Manuel Joseph, avec "Corps de grève", lie habilement les pieds écrasés d'un ouvrier accidenté du travail aux morts en prison de prisonniers politiques.



Moins théoriques mais extrêmement percutants, les trois textes les plus enthousiasmants du recueil sont "Astronomiques assertions" de Nathalie Quintane, splendide échafaudage sur une relecture moderne des prophéties de Nostradamus, "Toi aussi, tu as des armes, essaie de t'en souvenir" de Hugues Jallon, fantastique reconstruction du parcours de Michel Frois, gourou militaire contre-insurrectionnel puis patronal, et enfin, "Toi aussi, tu as (encore) des armes ?" de Jacques-Henri Michot, qui tente une passionnante élucidation de la phrase du "Journal" de Kafka qui sert de titre à l'ensemble de ce recueil, grâce notamment à une lecture rusée de Harold Pinter, Leslie Kaplan ou Roland Barthes.



"1.5.8. Écrire ne me semble pas être noter, sous figure plus ou moins nubileuse, un genre de Weltanschauung.

1.5.9. Oui mais à la longue, dit-on, cela fait un genre de nuage, qui fait un genre de Weltanschauung (ou alors comme pour Françoise Sagan : une petite musique).

1.5.9.1. I am not Françoise Sagan."

(Nathalie Quintane)



"la Biennale de l'équipement électrique, porte de Versailles

paralysée par la grève générale

la France se désagrège, dit-il

le pays tourne à l'envers, répète-t-il

enrageant du silence patronal

qui n'arrive pas à se faire entendre

(force muette, dans l'adversité ne préférant pas, vraiment pas, dépêchant ses miliciens équipés de barre de fer à la sortie des usines)"

(Hugues Jallon)



Un recueil précieux sur un thème ô combien passionnant.

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Toi aussi, tu as des armes : Poésie & politique

Ce livre réunit neuf auteurs tentant de dégager la poésie de son questionnement ontologique pour la considérer comme une “opération pratique”.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Toi aussi, tu as des armes : Poésie & politique

Le poème donne son titre - «Toi aussi, tu as des armes» - à l'ouvrage collectif consacré à «poésie et politique», aux côtés de Jean-Christophe Bailly, Yves Pagès et Nathalie Quintane.
Lien : http://rss.nouvelobs.com/c/3..
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Toi aussi, tu as des armes : Poésie & politique

neuf auteurs, Jean-Christophe Bailly, Jean-Marie Gleize, Christophe Hanna, Hugues Jallon, Manuel Joseph, Jacques-Henri Michot, Yves Pagès, Véronique Pittolo et Nathalie Quintane (et voilà que je réalise que les deux femmes sont renvoyées à la fin, veux croire que c'est un hasard ou un honneur) - neuf parcours différents - neufs façons différentes, très, d'aborder le thème.
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Ils ont écrit sur des écrivains....

Ronsard a écrit trois volumes de vers pour trois femmes différentes. La première et la dernière, Cassandre et Hélène, ne l’approchèrent point ; l’une parce qu’elle était trop belle et l’autre parce qu’elle était hideuse. C’est du moins ce qu’en disent ceux qui les ont connues ; mais Ronsard, ne voulait rien d’elles que leurs noms à mettre en sonnets, fit Cassandre plus belle encore que Cassandre, et daigna donner à Hélène tout ce que Dieu lui avait refusé. Aussi nous les voyons toutes deux incomparables.

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