Le moindre détail avait été prévu par le chorégraphe qui trouvait là l'occasion de mettre à profit ses compétences musicales.
Il indiquait par exemple : " N° 14 Aurore aperçoit la vieille qui frappe avec ses aiguilles, une mesure à 2/4. Progressivement, passez à une valse très chantante à 3/4. Une pause. Cris de douleur. Elle saigne -8 mesures à 4/4 très larges. Elle commence à danser et la tête lui tourne. C'est la folie. Elle tournoie sur elle-même, comme si une tarentelle l'avait piquée et brusquement s'effondre... " Pour l'entrée du Roi, au 1er Acte, N° 4, le Roi demande: "Qu'est-il arrivé?". Quatre mesures pour la question, quatre autres pour la réponse."
Or, loin d'être géné par ces exigences, Tchaikovsky, y trouvait plutôt avantage, fixant ainsi son imagination sur des visions chorégraphiques précises.
Au-delà de ses positions sociolinguistiques, bien connues, Miron laisse aussi voir dans ses divers essais, discours et entrevues un imaginaire langagier unique dans le paysage intellectuel de l’époque, notamment si on le compare à celui de Jacques Brault, qui s’articule autour de l’idée de parole. Miron ne fait certes pas l’impasse sur cette question, lui qui a dit un jour ne jamais avoir quitté les « quartiers de la parole populaire » (Royer, 1985 : 23), mais il est davantage préoccupé par cet en deçà de la parole qu’est le mot lui-même. Il faut l’entendre en entrevue revenir et revenir encore, jusqu’à l’arracher au lieu commun, sur le fait que le poème est composé d’abord de
simples mots. Il faut se rappeler aussi la leçon qu’il tire du choc linguistique éprouvé en arrivant à Paris pour la première fois : aujourd’hui, « j’ai appris trois mots de vocabulaire », concluait-il – et le bonheur, d’emblée, était entier.