Musique de village
Dernier bateau que je prends
sans chapeau sur mes cheveux
blanc dans quatre planches de chêne
avec ma brassée de rue
et tous mes amis autour
l’un soufflant dans la trompette
et l’autre dans le buccin.
Bateau ne me sois pas trop lourd
écoute les autres parlent fort :
tel a construit sur du sable – crie
de l’arbre du puits la corneille,
de l’arbre sans branche crie : malheur !
de l’arbre nu sans écorce :
enlevez-lui son cadeau
prenez son rameau de rue
mais la trompette résonne
mais résonne le buccin
personne ne m’a attrapé
tous disent : il quitte le temps
et ne s’en va pas bien loin
Donc je le sais et je pars
sans chapeau sur mes cheveux
lueur de lune sur barbe et sourcil
ayant vécu, épuisé toute moquerie
j’écoute un coup aussi là-haut
car la trompette retentit
car retentit le buccin
et la corneille crie de loin
je suis là où je suis : dans le sable,
mon brin de rue dans la main
//Johannes Bobrowski (1917 – 1965)
/Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre