AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enkidu_


Un constat essentiel est cependant susceptible de faire l'unanimité : lorsqu'on atteint le XIe siècle, l'esclavage, qui constituait la base de la production agricole dans l'Empire romain, a cessé d'exister, de sorte que, entre la fin de l'Antiquité tardive et celle du haut Moyen Âge, intervient indéniablement la disparition de l'esclavage productif (en revanche, l'esclavage domestique, qui ne joue aucun rôle dans la production agricole, continue d'exister, notamment dans les villes de l'Europe méditerranéenne, jusqu'à la fin du Moyen Âge et au-delà). Mais l'accord cesse dès lors que l'on soulève trois questions déterminantes pour comprendre la disparition de l'esclavage : pourquoi ? quand ? comment ?

Les causes religieuses, traditionnellement invoquées, ont vu leur importance limitée par l'historiographie du dernier demi-siècle. De fait, le christianisme est loin de condamner l'esclavage, comme l'attestent les écrits de saint Paul. Il s'emploie au contraire à en renforcer la légitimité, au point que des théologiens comme Augustin et Isidore de Séville, si essentiels pour la pensée médiévale, voient en lui un châtiment voulu par Dieu. Certes, l'Église considère la libération des esclaves (manumissio) comme une œuvre pieuse ; mais elle ne donne guère l'exemple, puisque les esclaves qu'elle possède en grand nombre sont réputés appartenir à Dieu et ne sauraient donc être soustraits à un maître si éminent (sans mentionner le fait qu'un pape comme Grégoire le Grand achète de nouveaux esclaves). Pourtant, bien que l'Église ne s'oppose en rien à l'esclavage, la diffusion des pratiques chrétiennes modifie en profondeur la perception des esclaves et mitige peu à peu leur exclusion de la société humaine. En effet, si dans un premier temps l'Église interdit de réduire un chrétien en esclavage, elle reconnaît ensuite que l'esclave est un chrétien : celui-ci reçoit le baptême (son âme doit donc être sauvée) et il partage, durant les offices, les mêmes lieux que les hommes libres. Une telle pratique, qui réduit la séparation entre libres et non-libres, tend à saper les fondements idéologiques de l'esclavage, à savoir la nature infra-humaine de l'esclave et sa désocialisation radicale (Pierre Bonnassie). (pp. 57-58)
Commenter  J’apprécie          00









{* *}