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Citation de Osmanthe


Cheng Yi avait donc été au Tibet. Pour quelles raisons ? Mystère. Il se refusait à tout récit de son voyage. Les villageois qui adoraient, sans malveillance d'ailleurs, les commérages ne se privaient pas d'émettre toutes sortes de supputations quant à ses aventures. L'endroit privilégié pour commenter ou colporter des ragots n'était autre que les latrines publiques du village. Construites à l'époque où les campagnes devaient prendre pour modèle la commune populaire de Dazhai, elles ne comptaient pas moins de quarante-huit trous. On imagine l'animation des débats ! Les toilettes avaient beau regorger de merde, dégouliner de pisse, les vers y frétiller en colonies et les mouches y voler en escadrilles, les gens prenaient plaisir à venir y polémiquer et palabrer. Dans ce lieu privilégié, on débattait aussi des sujets de plus haute importance, des grandes questions politiques, tant nationales qu'internationales : à savoir si l'Organisation des Nations Unies était un pays ou un bâtiment, si l'ère de Mao Zedong avait été meilleure que celle de Deng Xiaoping, ce qu'il en était du problème de l'indépendance de Taiwan ou de son rattachement au continent par la force armée...Finalement, les villageois accroupis au-dessus de leurs trous, tout en ronchonnant que cette posture était fatigante et qu'il fallait suggérer au Comité du village de prévoir un budget pour l'installation de cuvettes confortables, avaient tiré la conclusion suivante : Cheng Yi était allé au Tibet faire du trafic d'objet anciens et y avait laissé la main. Car, vu l'état de la médecine et des soins dans le reste de la Chine, il n'y avait que là-bas, dans cette région lointaine, qu'on avait pu greffer une main de femme à un homme. Cheng Yi ignorait les trois quarts des racontars qui couraient sur lui. Sitôt le seuil des latrines franchi, les gens se montraient discrets. La seule chose que les villageois se permettaient, histoire de s'amuser et bien que ce ne fût pas dans nos coutumes, c'était de lui serrer cette fameuse main en le saluant. En effet, la main réagissait, affirmait-on, de manière différente selon qu'il s'agissait d'une femme ou d'un homme : elle étreignait avec beaucoup plus d'ardeur celle d'un homme...
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