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Citation de Charybde2


Je l’ai entendu avant de le voir.
Carl était de retour. Je ne sais pas pourquoi j’ai repensé à Dog, cette histoire remontait à près de vingt ans. Je devais sûrement sentir que c’était la même raison qui me valait ce retour inopiné. C’était toujours la même. Il avait besoin de son grand frère.
J’étais dans la cour, j’ai consulté ma montre. Quatorze heures trente. Il m’avait juste envoyé un texto, disant qu’ils arriveraient vers quatorze heures. Mais mon petit frère est un éternel optimiste, il promettait toujours un peu plus q’il ne pouvait tenir. J’ai regardé le paysage. Le peu qui émergeait de la couverture nuageuse en contrebas. De l’autre côté de la vallée, la montagne avait l’air de flotter sur une mer de gris. Ici, en altitude, la végétation commençait déjà à se teinter du rouge de l’automne. Le ciel était bleu et limpide comme un regard de jeune fille innocente. L’air bien froid piquait les bronches quand j’inspirais trop vite. J’avais le sentiment d’être parfaitement seul, d’avoir le monde entier pour moi. Enfin, le monde… Plutôt un mont Ararat avec une ferme dessus. Parfois, des touristes prenaient cette route sinueuse depuis le bourg pour admirer la vue et, tôt ou tard, ils se retrouvaient dans la cour. Ils me demandaient souvent si ma fermette était toujours en exploitation. Fermette. Les cons. Les vraies fermes, pour eux, étaient probablement comme celles de la plaine, des champs vastes et des granges surdimensionnées, des maisons de maître tapageuses. Ils n’avaient jamais vu ce qu’une tempête de montagne pouvait infliger à un toit un peu trop grand ni tenté de chauffer une pièce un peu trop spacieuse par moins trente et force sept, quand le vent s’infiltrait à travers les murs. Ils ne connaissaient pas la différence entre terres exploitables et non exploitables, ils ignoraient qu’une ferme de montagne, c’étaient des pâturages pour les bêtes et que cela pouvait être un royaume certes désertique, mais bien plus étendu que les champs de blé jaunes chichiteux du paysan de plaine.
Pendant quinze ans, j’avais vécu ici seul, mais c’était donc terminé. Quelque part dans les nuages grondait un moteur V8. La proximité du bruit indiquait qu’il avait dû franchir le virage du Japon, au milieu de la côte. Le conducteur a appuyé sur l’accélérateur, puis levé le pied, il s’est engagé dans l’un des virages en épingle à cheveux, a accéléré de nouveau. Il approchait de plus en plus. Ce n’était pas la première fois qu’il grimpait ces lacets, ça s’entendait. Et maintenant que les nuances du moteur se précisaient, que je percevais les profonds soupirs quand il rétrogradait, la basse sourde que n’a qu’une Cadillac dans les premières vitesses, j’ai su que c’était une DeVille. La même que le gros engin noir de papa. Évidemment.
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