Dans les quartiers périphériques, il y avait des gamins capables de faire mal. Et derrière la gare, dans les dépôts, nous lancions des cailloux sur les trains ; des trains qui emportaient notre enfance à chaque pierre, embarquant notre haine et notre désespoir loin d’ici. Nous grandissions, nous nous métamorphosions, et ce en plein cœur du tiers-monde, même si cela n’en avait pas l’air. Nous grandissions sans une once de maturité, dans une société ayant pour seule valeur : « premier arrivé, premier servi ». Et de toutes nos forces, nous caillassions les trains en sachant que nous ne pouvions pas les louper ; c’était d’ailleurs là notre seule certitude. De temps à autre, ces mêmes trains emportaient des âmes suicidaires qui jetaient leur corps sur les rails avec haine et désespoir, comme nous les cailloux.
Il n'y a pas grand-chose de pire qu'un fantasme réalisé.
Parce qu'au bout du compte, la vie est ce petit qualque chose que la mort nous laisse.