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Citation de Woland


[...] ... "Grand-mère, je me rends mieux compte chaque jour combien Maman se met à vous ressembler. Vous avez toutes deux ce que j'appellerais volontiers le même rythme interprété de la nature. Ces derniers temps, la plupart des gens me donnent l'impression d'être enfermés, sans issue. Mais vous deux semblaient dictées, comme si vous donniez suite à des paroles reçues à l'oreille. Vous n'avez qu'à entendre, à suivre un son ... Vous n'avez pas d'interruptions ; quand vous parlez, vous n'avez pas l'air de chercher vos mots mais de suivre un point qui éclaire tout. C'est comme si vous obéissiez, comme si vous aviez prêté serment que la quantité de lumière dans le monde ne diminuerait pas ; on sait que vous avez fait un sacrifice, que vous avez renoncé à de très vastes régions, à la vie même, oserais-je dire, si une vie merveilleuse n'apparaissait en vous, à tel point que nous autres, en comparaison, ne savons ni pourquoi nous existons, ni comment nous conduisons notre existence, car on dirait que nous nous sommes seulement détachés de la sphère supérieure dont parlent les mystiques, sans avoir encore trouvé l'île où bondissent les faons et les sens.

- Mais Cemí, mon petit-fils chéri, si tu observes tout cela chez ta mère et chez moi, c'est parce qu'il t'est donné de capter ce rythme de croissance chez la nature. Une lenteur fort peu fréquente, la lenteur de la nature, face à laquelle tu places une lenteur d'observation, qui est aussi nature. Grâce à Dieu, cette lenteur à donner à l'observation une fabuleuse extension s'accompagne d'une mémoire hyperbolique. Parmi bien des gestes, bien des mots, bien des sons, après les avoir observés entre songe et veille, tu sais ceux qui vont séculairement accompagner la mémoire. La visite de nos impressions est d'une insaisissable rapidité, mais ton don d'observation attend comme à un théâtre où elles doivent passer, reparaître, se laisser caresser ou se montrer farouches, ces impressions qui deviennent ensuite légères comme des larves, mais alors ta mémoire leur donne une substance pareille au limon des commencements, ou à une pierre qui recueillerait l'image du poisson. Tu parles du rythme de croissance de la nature, mais il faut beaucoup d'humilité pour pouvoir l'observer, le suivre et le révérer. Je remarque moi aussi qu'en cela tu es de notre famille ; la plupart des gens interrompent, favorisent le vide, émettent des exclamations, de gauches exigences ou déclament des arias fantomatiques, mais toi, tu observes ce rythme qui fait l'accomplissement, l'accomplissement de ce que nous ignorons mais qui, comme tu le dis, nous a été dicté pour signe principal de notre existence. Nous avons été dictés, c'est-à-dire que nous étions nécessaires pour que l'accomplissement d'une voix supérieure prît pied sur la rive, se sentît en terrain sûr. L'interprétation rythmique de la voix supérieure, pratiquement sans intervention de la volonté, c'est-à-dire avec une volonté qui nous venait elle-même enveloppée d'un destin supérieur, nous faisait bénéficier d'une impulsion qui était en même temps un éclaircissement." ... [...]
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