Joyce Stranger

Quelque part au fin-fond de l'Écosse, une petite ville industrielle se dresse au milieu de la lande, serrée autours d'une colossale usine chimique. Dans la campagne autours, vit un vieil homme dont la mémoire s'égare, confondant les objets, oubliant parfois qu'il n'est plus le jeune chasseur qui caracolait sur son cheval. Un renard habite dans un terrier non loin. Il observe le vieillard. Et chaque nuit, il observe la longue lignée d'ombres grises montant au combat, marchant fièrement derrière leurs pibrocks. Chaque matin, à l'aube, quand il rentre de la chasse, il croise les hommes blessés fuyant la défaite.



Un été, la sécheresse s'installe. Les champs se dessèchent, les arbres meurent. Des puits qui n'avaient jamais taris de mémoire d'homme s'assèchent. Du soir au matin, les fermiers trainent des seaux d'eau pour abreuver leurs bêtes squelettiques. Plus les forces abandonnent hommes et animaux, plus les ombres grises de la lande deviennent visibles et nets, plus les guerriers semblent devenir forts. Dans son terrier, le renard est tenaillé en permanence par la faim : il n'y a plus de gibier. Une nuit, n'en pouvant plus, il se risque dans la ville…



Un livre étiqueté enfant à l'atmosphère sombre et prenante, à l'écriture magnifique. Une étrange histoire où les highlanders du passé se mêlent aux cuves de produits chimiques des usines d'aujourd'hui, où hommes, fantômes et animaux se frôlent, s'évitent, glissent parfois dans le monde des autres.

Ce petit roman épouse les points de vue de différents personnages, le renard, le vieux paysan aigri et paranoïaque, le gardien de nuit d'une usine. A hauteur de renard, on se retrouve le coeur battant , courant pour échapper aux chasseurs réels et à des tambours fantômatiques, on crève la faim faute de lapins, avant de se croire sauvé en arrivant dans un bourg industriel. La fable animalière devient alors une réflexion sur l'amitié possible entre l'homme et le renard, avant de basculer dans la nuit, emporté par une catastrophe industrielle. Un livre remarquablement traduit par Maurice et illustré merveilleusement par William Geldart . Un étrange et inoubliable avertissement écologique. .

Publié en folio jeunesse pour la première fois en 1979 , on le trouve encore parfois en bibliothèque mais il n'est plus édité en ce moment et c'est fort dommage !