C’est une grande armoire de noyer, simple, verticale, à la fois lourde et élégante, presque un symbole de la stabilité respectable ; d’ailleurs elle est toujours fermée. À l’intérieur, l’armoire est divisée en rayons et en casiers, et sur chacun de ces rayons habite un écrivain ; en réalité, ce sont de vieilles poupées devenues écrivains, uniquement à cause de l’inaction, de l’obscurité et de l’ennui. Aussi ont-elles toutes de petits costumes typiques de certaines régions ou provinces, et la tête plutôt bizarre par rapport au corps : trop plate, ou trop pointue, ou simplement trop volumineuse ; à part un poète très en vue qui en a une toute petite, et cela fait beaucoup rire les autres, comme d’avoir une petite tête était plus drôle que d’en avoir une grosse.
(Les Poupées)