A l’une des soirées du dimanche, dont le souvenir est resté si vivant, Gustave Planche se trouva auprès d’une dame de province très désireuse de voir des écrivains célèbres ; tous, pensait-elle, devraient être beaux.
Je lui donnai le bras, racontait le critique, et je la conduisis près d’une table de jeu, où se trouvaient Eugène Delacroix, qui ressemblait à une sorcière ; Sainte-Beuve, qui avait l’air d’une portière, et Balzac, véritable type d’un éleveur de boeufs.
La dame demeura interloquée. Il n’est pas sûr qu’elle ne soit jamais remise d’une si funeste déception.
Voici ce qu’écrit Zola sur Jules Levallois :
M. Jules Levallois a longtemps publié dans l'Opinion nationale de longs articles pour lesquels il se donnait un mal infini. Il lisait jusqu'à trois fois les livres dont il avait à parler. Il prenait une quantité de notes, réfléchissait, comparait, consultait ses amis. Et, en fin de compte, il accouchait d'une étude parfaitement honnête, mais parfaitement médiocre. Je n'ai jamais lu d'articles plus lourds, plus indigestes. Ajoutez qu'ils étaient vides. Impossible d'en tirer une idée neuve. Cela se développait gravement; On aurait dit M. Prudhomme tirant de sa poche un mouchoir immense et finissant de se moucher dans un coin, avec majesté. M. Jules Levallois, un excellent homme au fond, combattait par tempérament toutes les tentatives originales. Il représentait la bourgeoisie dans la critique. Et le plus étonnant est que le même homme était un chansonnier fort gai, dont je connais des chansons charmantes.
Se raconter c'est aussi raconter son époque; se peindre c'est souvent peindre ses contemporains.
Les auteurs de Mémoires n'ont point de meilleur titre ou de plus valable excuse. Si l'on faisait de propos délibérés ce qu'ils font presque toujours à leur insu, cela offrirait peut-être quelque intérêt. Convenons que moi voudra dire nous, et le moi cessera bientôt d'être haïssable on ne verra plus en lui que le document sincère et le témoignage parlant