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Citation de Cannetille


Je suppose que j’ai toujours cru instinctivement (ou nonchalamment) que ces mirifiques mythes et martyres, avec leurs fracassants messages de salut, quoique sûrement « améliorés » en étant maintes fois racontés, avaient leur origine dans quelque plus rude réalité. Quand on regarde un puissant tableau donnant à voir un violent martyre, il nous persuade que c’est la représentation d’un événement qui s’est jadis produit. Mais toutes ces saintes compilations, comme les Actes des martyrs, et leurs illustrations ultérieures ne sont que d’édifiantes fictions, plutôt que des Vies réelles. L’opinion actuelle des érudits n’est pas seulement que peu de ces célèbres martyrs ont existé, mais que leur nombre total fut en fait minuscule. Certes, beaucoup de chrétiens furent tués « simplement » parce qu’ils étaient chrétiens (et refusaient d’abjurer leur foi devant une cour de justice) ; mais, là aussi, bien moins que précédemment supposé. D’après un « prudent calcul », au cours des trois premiers siècles de l’ère chrétienne, « entre deux et dix mille chrétiens furent mis à mort par le pouvoir temporel de l’Empire romain ». (Même pas les onze mille de sainte Ursule !) Quant au nombre de ceux qui voulaient mourir, persuadés de prendre ainsi la voie d’accès rapide au Ciel : « Même les Docteurs de l’Église ne peuvent présenter plus d’un ou deux cas de martyre volontaire. »
En outre : nous pensons (ou je pensais) que les païens tuaient les chrétiens, et les chrétiens, les païens, tour à tour, ripostant à un massacre par un autre. Ils le faisaient, mais c’était peu de chose, comparé à la violence entre les chrétiens de différentes obédiences. (Le narcissisme des petites différences.) Comme dit Ammien, ils étaient « pires que des bêtes féroces quand ils disputaient entre eux », tandis que Gibbon déclare avec une ironie désabusée : « C’est un rappel salutaire de l’importance d’une exactitude théologique, que davantage de chrétiens furent mis à mort en une seule année de l’empire chrétien, qu’on n’en avait exécuté en trois siècles de domination païenne. »
J’avoue que tout cela m’a d’abord découragé. Mais j’en ai pris note, et j’en ai tiré deux conclusions. Primo, que les théologiens peuvent aussi faire d’excellents romanciers. Et secundo, que l’erreur historique est une composante essentielle de ce qui fait une religion.
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