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Citation de Charybde2


« J’avais treize ans lorsque la loi antisexiste a été adoptée dans tous les pays de l’ONU. Si vous voulez tout savoir, mon enfance a été plutôt heureuse. Pas d’événement particulier, pas de trauma. Un grand frère et puis Kiki, un chat augmenté de compagnie ; une scolarité correcte.
– Les animaux améliorés ont perturbé toute une cohorte d’enfants.
– Pas moi. Je trouvais plus intéressant de discuter avec mon chat que de me bagarrer avec mon frère. Dommage que les bestioles aient été rappelées, puis interdites !
Je n’ai pas de souvenir des relations entre hommes et femmes avant la loi Weinstein, mais j’ai vécu toutes les tensions consécutives : d’un côté, les hommes qui s’estimaient brimés et de l’autre, les femmes, désormais chargées de collecter des preuves suffisantes contre les indélicats pour obtenir des peines exemplaires.
– Ces tensions vous ont affectée ?
– Pas que je sache. C’est tout de même un contexte fort. Personne n’a oublié cette ambiance de guerre, avec la multiplication des féminicides de masse suivis, en réponse, de raids punitifs antimasc. Plus grand-monde n’était tranquille, mais on s’adapte à tout, n’est-ce pas ? On vit, on devient adulte, on fait ses choix. Moi, j’ai choisi d’étudier la psychologie.
– Quelle spécialité ?
– Je me suis inscrite en psycho du travail. C’était déjà une discipline obsolète, seulement, les cours me passionnaient : les rapports de force, les interactions, les formes de résistance, les collectifs de travail… Puis, il a fallu intégrer une entreprise. Entre la généralisation du revenu universel et l’avènement de l’individu-société, je ne trouvais pas de poste en France.
Je suis allée exercer au Brésil et j’avoue que j’ai déchanté. Motiver ou, au besoin, forcer les travailleurs, les pousser à partir quand on inventait un appareil plus efficace qu’eux… J’ai expérimenté le pire de la torture psychologique et j’ai connu un terrible burn-out. Alors j’ai tout plaqué et je suis rentrée.
– Ici, plus personne n’est obligé de travailler. Vous êtes pourtant revenue.
– Oui. Si le salaire des machines a permis de créer l’allocation de base, ça ne vous donne pas de quoi vous offrir un peu de superflu. Et puis, on ne parle pas assez de l’utilité sociale ! J’acceptais occasionnellement des missions de service public, mais ça ne me suffisait pas. Le reste du temps, je me divertissais. J’ai appris le dessin, j’ai pratiqué la danse, le yoga, j’ai repris la capoeira, la vie de loisir pendant trois ans. Jusqu’à ce qu’enfin, on m’appelle !
– Le volet médico-psychosocial ?
– Tout juste. Vous vous souvenez ? Quand, après la candidature de Bernard Content aux élections présidentielles, ils ont autorisé les mouchards personnels et instauré le suivi obligatoire des délinquants sexistes, on a rappelé tous les psychologues sans emploi. Les cliniciens, bien sûr, mais aussi les psys d’école ou de la finance, les neuropsys et même les psychologues du travail.
– Vous proposez donc de la rééducation antisexiste.
– Oui. C’est cette activité qui m’a montré qu’on pouvait agir concrètement pour rendre le monde meilleur.
– Très bien. Restons-en là pour aujourd’hui. Débranchons sur cette note positive. » (« Supervision »)
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