Ladislav Fuks

Je viens juste d'entamer un autre livre de Ladislav Fuks, "Monsieur Mundstock", mais j'aimerais d'abord rendre hommage à "L'incinérateur de cadavres", un roman qui m'a fait découvrir et apprécier cet écrivain tchèque.

Fuks a commencé à écrire sur le tard, vers ses quarante ans, après la deuxième guerre mondiale qui a indiscutablement marqué toute son oeuvre. La question juive, peur de la violence, de la déportation, de l'exécution, sont les thèmes récurrents dans la plupart de ses romans. Mais ce ne sont pas des romans de guerre. Ce sont les histoires qui parlent de gens ordinaires, écrites dans un style difficilement comparable à un autre écrivain, sauf, peut-être, à Franz Kafka. Les agissements des personnages sont en apparence normales, mais entre les lignes suinte toujours quelque chose de noir, de glauque, qu'au mieux je pourrais associer au terme freudien d'"unheimlich ", une étrangeté inquiétante.

"L'incinérateur de cadavres" en est un exemple parfait. Monsieur Kopfrkingl travaille au crématorium de Prague. C'est un homme calme, adepte des philosophies orientales (qui lui fournissent maints arguments en faveur de la crémation), un grand esthète, amateur du beau et un père aimant de ses deux enfants. En voilà une image parfaite d'une famille heureuse, le chat y compris. le roman est assez court, à peine deux cent pages, et une bonne partie consiste en visites de la famille Kopfrkingl au ZOO, divers expositions ou matchs sportifs. MAIS...

Malgré les surnoms affectueux qui donne monsieur Kopfrkingl à sa femme et à ses enfants, malgré son langage esthétique, il y a déjà ce petit quelque chose qui nous fait douter de sa stabilité mentale. Et la guerre arrive, les nazis montent au pouvoir et monsieur Kopfrkingl commence à subir une pression de la part de Karl, son ami allemand. Qu'est ce qu'est mieux qu'une race pure, à laquelle, lui aussi, il appartient ? Il pourrait même avoir une promotion dans son travail, devenir directeur du crématorium; la seule chose un peu gênante reste sa femme demi-juive et ses enfants.

Monsieur Kopfrkingl commence à craindre pour sa famille, mais en même temps il se laisse endoctriner et sa raison commence à vaciller pour de bon.

Arrive alors le moment, où il décide de "s'occuper" de sa famille, pour lui épargner les horreurs du camp de concentration...

J'aimerais aussi mentionner un excellent film de Juraj Herz en noir et blanc avec un épatant Rudolf Hrusinsky dans le rôle de Kopfrkingl. L'atmosphère du roman y est rendue à merveille. Je crois qu'il y a une version sous-titrée en anglais, trouvable sous un titre tchèque "Spalovac mrtvol". Pour les cinéphiles cela vaut un détour.

Voici un autre livre dans un style inimitable de Ladislav Fuks, le roman le plus connu et le plus traduit de cet auteur tchèque.

Nous sommes en 1941, en Tchécoslovaquie sous l'occupation allemande. Monsieur Mundstock rentre chez lui. Il fait sombre dans l'entrée, alors il allume la lumière et son ombre apparaît. Son ombre ouvre la boîte aux lettres et déchire fébrilement l'enveloppe qui s'y trouve, pour voir s'il s'agite de "la lettre".......

Cette ombre, que monsieur Mundstock appelle Mon, est un alter-ego de la personnalité extrêmement fragile de ce juif pragois, autrefois petit employé de bureau, qui maintenant balaie les rues en attendant une convocation pour le transport au camp de concentration. C'est à lui que monsieur Mundstock confie ses angoisses les plus profondes, son coeur qui se serre chaque fois qu'il aperçoit un bout de papier blanc dans sa boîte aux lettres.

La peur vécue au quotidien altère la perception de la réalité de monsieur Mundstock, les choses et les situations ordinaires se transforment en étranges fantaisies. Les personnes bien connues lui apparaissent comme des spectres, il prend un pigeon tacheté pour sa petite poule domestique.

Un jour, en balayant la rue, il a une "révélation" comment survivre au camp de concentration grâce a une "méthode" précise. Il se prépare pour chaque situation possible, réfléchit pour ne pas oublier le moindre détail, et enfin, il se sent prêt. Il se sent même bien, vivant; Mon, son double, disparaît.....

Quand la lettre tant redoutée arrive, monsieur Mundstock part presque calmement à la gare. Mais, pendant le trajet, il réalise avec effroi qu'il a oublié, selon son plan de survie tellement précis, de passer sa valise d'une main à l'autre....

C'est un livre fabuleux dans lequel on plonge dans l'angoisse d'un homme qui attend de recevoir la lettre qui l'enverra dans un camp de concentration. L'histoire se passe en 1942 dans le ghetto juif de Prague. Mr Mundstock, submerge par son angoisse, dialogue avec son ombre qui commente sa moindre faiblesse. Ce dialogue exprime cette angoisse de l'attente.

L’incinérateur de cadavres est un livre quelque peu inclassable, écrit par l’auteur tchèque Ladislav Fuks. Il met en scène un petit bourgeois, Mr Kopfkingl, travaillant dans un crématorium, et qui se fait petit à petit influencer par le discours totalitaire qui se répand dans son pays, la Tchécoslovaquie, au moment de l’annexion des Sudètes par l’Allemagne nazie.



Livre à l'ambiance très particulière, dont le message porté est universel, que je conseille vivement.
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